(Billet 78) – Les sables mouvants du Sahara

(Billet 78) – Les sables mouvants du Sahara

Il est des fois où l’Histoire s’accélère, sans que nul n’en prenne la mesure, hormis ceux qui sont en charge des affaires, étrangères à l’opinion publique. Et c’est ce qui se passe au Sahara, avec une diplomatie bien plus agressive et audacieuse qu’avant, mais bien plus taiseuse aussi. Que M. Bourita nous pardonne mais si se taire est son rôle (et peut-être sa nature), commenter et recouper est le nôtre.

Quand elle avance, l’Histoire sème des petits cailloux sur son passage, et c’est en suivant ces petits cailloux qu’on peut trouver son chemin dans les méandres diplomatiques. Et ainsi, plusieurs événements se sont produits pour le dossier qui occupe le Maroc – et l’Algérie – depuis un demi-siècle. Séparés, ils ne signifient rien, regroupés, ils font sens.

1/ Malgré la fureur à Alger et la stupeur à Tindouf, l’Union européenne a fini par reconnaître noir sur blanc, de Cap Spartel à Cap Blanc, que le Sahara est rouge et vert. Il fallait oser, l’UE l’a imposé, l’ONU l’a endossé.

2/ Dans un document du Département d’Etat, déclassifié voici deux ans mais soudainement, étrangement, exhumé ces dernières semaines, les USA affirment ne vouloir rien imposer au Maroc et qu’ils ne soutiendront aucune initiative le privant de sa souveraineté sur son Sahara. Ce qui explique que Mohammed VI, le 6 novembre 2017, ait martelé que « pas de solution en dehors de la souveraineté du Maroc ». Cela avait paru téméraire, on comprend mieux aujourd’hui.

3/ Le président mauritanien Ould Abdelaziz, sur...

le départ, a récemment révélé que « les USA et l’Europe ne veulent pas d’un Etat situé entre le Maroc et la Mauritanie »… Le point 3 confirme le 2.

4/ Les troubles sociaux et donc, forcément, politiques à Tindouf, s’accélèrent et se durcissent, et les révélations sur les enfermements et les détournements se multiplient et se rapprochent. Un tas de voyous ne peut former un Etat, voyons… Le 4 souligne les 2 et 3.

5/ Le parti de l’Istiqlal, instamment demandé au créneau, a dernièrement organisé un meeting géant à Laâyoune où Nizar Baraka, petit-fils d’Allal el Fassi, a délivré son discours en deraâ sahraouie. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce déploiement de force remarqué ici et ailleurs, surtout ailleurs ?

6/ La concomitance du passage des réunions du Conseil de sécurité sur le Sahara à une fréquence semestrielle, des tables rondes organisées à intervalles rapprochés, et de la situation explosive en Algérie, exerce une forte pression et est indicatrice d’un dénouement prochain du conflit (quelques années, quand même…).

7/ La brusque détérioration de la situation en Libye, pourtant attendue depuis longtemps, interpelle par son timing et sa coïncidence avec les événements en Algérie, soutien du Polisario.

Et tout cela se produit dans un silence assourdissant des Etats concernés ; comme on dit, quand les Etats se taisent, cela signifie que les services travaillent. Au Sahara, les dunes se meuvent et les sables sont mouvants, engloutissant peu à peu le Polisario, qui devrait disparaître, à terme, quand auront disparu ses commanditaires algérois.

Aziz Boucetta