(Billet 73) – Et le civisme sombra dans le suivisme, puis le cynisme…

(Billet 73) – Et le civisme sombra dans le suivisme, puis le cynisme…

Excès de vitesse et d’impolitesse, permis de conduire et de tuer, usage sonore, sauvage, des téléphones… autant de marqueurs qui montrent que dans notre beau royaume d’exception, le respect de la loi est aussi l’exception. Ce n’est pas un hasard si dans les pays civilisés, le civisme a force de loi, morale, et que dans les contrées sous-développées, le chacun pour soi est la règle quasi animale.

Ainsi donc, au Maroc, le stationnement en double, voire triple position, a été promu de seconde nature à nature tout court. La logique est simple : plus la cylindrée est élevée, plus la marge d’incivisme est grande, proportionnelle au sentiment d’impunité et au degré d’inconscience. Et Dame Justice est là pour valider le tout, avec des peines arrangées et des arrangements toujours possibles. Ce n’est pas parce qu’un homme meurt ou que le sang coule que la vie ne doit pas continuer de s’écouler, voyons… Au Maroc, l’argent et l’entregent vont de pair, et c’est toute la société qui perd, mécaniquement, ses repères, sombrant dans un cynisme galopant.

Cette dame utilise sa voiture comme un prolongement mobile de sa salle de bains, se refaisant furieusement une beauté au feu rouge qu’elle a daigné respecter ; boîte à gants et trousse de maquillage fusionnent et le rétroviseur se mue en miroir… Ce « papa » abandonne sa voiture en énième position pour aller chercher sa chère petite tête brune ou se précipiter dans la mosquée pour...

la prière commune ; l’agent verbalisateur se contente de le tancer verbalement, d’où son nom.

Lui, il est au café ou dans le train, et son téléphone sonne. Il répond et tous les clients en apprennent beaucoup sur sa vie, son œuvre. Pourquoi se gênerait-il au demeurant, la liberté d’expression est garantie, non ? Même le maire de Casablanca, Abdelaziz Omari, prend ses aises dans le train quand il lui arrive quelquefois d’aller à son bureau municipal (photo). Et ne parlons même pas du net qui donne toutes les audaces à des abrutis s’en servant comme un dégueuloir de haine, et des automobilistes qui se garent dans les places pour handicapés, bien que la bêtise ne soit pas un handicap. Partout, on réforme, on lance des chantiers, on renouvelle le matos, mais rien n’est fait pour l’ethos

Chez nous, tout le monde est égal devant la loi, c’est la loi qui le dit, mais elle ne dit rien sur son application. Or, si le droit, c’est bien pour l’image extérieure, il est bien meilleur qu’il soit respecté pour la paix intérieure. La loi doit devenir aussi impérative que la police se doit d’être répressive et la justice coercitive. Pour tous, partout et par-dessus tout. Personne ne respecte la loi volontairement, d’où le principe de la violence légitime de la puissance publique… à défaut, elle devient problématique, voire poubelique.

Aziz Boucetta