(Billet 69) – Aimez-vous les uns les autres, et inversement !

(Billet 69) – Aimez-vous les uns les autres, et inversement !

Le Maroc a ceci de particulier qu’il peut être en pointe dans nombre de domaines, tout en restant une sorte d’excroissance médiévale dans d’autres. Nous sommes un de ces étranges pays où la nature est interdite puisque l’article 490 du Code pénal impose que toute partie de jambes en l’air doit être adoulaire ; il prohibe l’amour, envers et contre l’irrésistible force de l’attirance naturelle entre sexes.

Article 490 : « Sont punies de l'emprisonnement d'un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». En gros, c’est la geôle pour ceux qui se câlinent et se cajolent. Le 490 met un préservatif à la vie et aux caresses, et emprisonne tout un peuple.

On commence par refuser les cours d’éducation sexuelle dans les classes pour les petits qui, devenus grands, se voient interdire toute intimité sexuelle en dehors des très sacrés liens du mariage et des incontournables sites pornos. Et si, d’aventure, on a une aventure sexuelle qui débouche sur une grossesse non désirée, l’avortement est interdit (sauf pour celles, bienheureuses, qui vont à l’étranger). Alors ce sont encore les tourments pour la mère, et une entame de vie cataclysmique pour l’enfant...

qui n’a rien demandé.

A côté de cela, tout est permis : le cinéma est libre (ou presque), la lecture aussi, internet fleurit et les réseaux prospèrent… on ouvre des lieux de joie et d’amusement où les jeunes et moins jeunes vont, dansent, éventuellement boivent autre chose que du soda, se touchent et s’aguichent. Puis, soudain, stop ! « Dura lex sed lex », et pas de sexe. La loi empêche l’envie et la vie*. Dans un pays où on a encore un très sérieux problème de langue, un petit coup de langue reste interdit.

De par la loi et parfois de la foi, pas question d’approcher, de toucher, de coucher ou découcher. Et pourtant, tout le monde couche avec tout le monde, mariage ou pas, marié ou pas, partout, au su de tous. Mais grâce à Dieu, la loi n’est pas appliquée pour le pieu… l’Etat n’a ni les moyens ni l’envie de centupler les pénitenciers.

Et pas un seul de nos centaines d’élus n’a pensé sérieusement, avec force et persévérance, à faire abroger cet article qui, assurément scélérat, aurait été risible s’il n’était pas également stupide.

Aziz Boucetta

*Et pour les homosexuels des deux sexes, c’est pareil, l’article 489 est là… même si elles et eux peuvent louer une chambre d’hôtel.