Crans Montana : le CAM et Maroc Vert au service de l’agriculture africaine

Crans Montana : le CAM et Maroc Vert au service de l’agriculture africaine

L’agriculture et l’agro-industrie sont les deux mamelles nourricières de la croissance durable et solidaire dans un pays. C’est le cas, ou presque au Maroc, et cela pourrait être le cas, significativement, en Afrique. C’était le thème et l’objectif de l’atelier sur l’agro-industrie organisé dans le cadre du Forum annuel Crans Montana, organisé à Dakhla du 14 au 17 mars.

D’ici 2050, explique le secrétaire général du ministère de l’Agriculture Mohammed Sadiki, le monde devra nourrir 9 milliards de personnes, sachant que l’Afrique a une population qui doublera d’ici là. D’où l’insécurité alimentaire due, entre autres problèmes, au changement climatique, mais aussi au financement et au savoir-faire. Cela pose la problématique des Industries alimentaires en Afrique et leur place dans le développement économique continental, qui se fera par le secteur primaire, ou ne se fera pas.

Quel est le potentiel du secteur alimentaire en Afrique ? 1 milliard de dollars en 2030, contre moins de 400 millions aujourd’hui. Or, pour y parvenir, il faut relever les défis financiers, organisationnels, technologiques et environnementaux.

Qui dit agro-industrie dit agriculture, et en Afrique, l’agriculture emploie, selon les pays, entre 60 à 80% de la population, contre 20 à 30% de leur PIB. C’est dû au fait que l’agriculture reste essentiellement vivrière et que l’industrie alimentaire demeure embryonnaire. L’exportation des produits est réalisée sous forme de produits bruts à hauteur de 80%, avec 35 milliards de dollars d’importations en net… alors que l’Afrique peut nourrir le monde ! aujourd’hui, le déficit de l’agriculture africaine avoisine les 23 milliards de dollars.

Pour solutionner le problème, il est important de faire reposer la gouvernance sur l’approche chaines de valeur lesquelles, si elles sont véritablement fonctionnelles, vont devenir et constituer une base essentielle du développement économique, principalement pour les jeunes. On obtiendra donc plus d’emplois et plus de richesses car il y aura plus de production, mais à la condition que la formation soit convenablement assurée pour les jeunes.

Pour ce faire, il faudra passer par la transition numérique qui transformera les chaines valeurs, et encore une fois, grâce aux jeunes.

Pour sa part, le Maroc a lancé dès 2008, après la crise économique et alimentaire en Afrique, le Plan Maroc Vert, ou PMV, un plan intersectoriel et intégré, opéré dans le cadre d’une ouverture maitrisée pour valoriser les avantages comparatifs et les atouts du marché international. La stratégie adoptée est une mise en œuvre novatrice, tant en financement qu’en technologies. Parmi les approches retenues, celles des chaines de valeur a été choisie comme stratégique, impliquant une logique intégration de filières en amont et en aval, repensant la production en fonction du consommateur, et en mettant en œuvre une logique d’organisation des producteurs par filières, au nombre de 19 interprofessions, soit 19 filières reliées au public par des contrats programmes.

L’apport...

du CAM

El Mostafa Chehhar, en sa qualité de représentant du Crédit agricole du Maroc (CAM), explique alors que c’est ce dernier qui accompagne le PMV depuis 11 ans. Le CAM est donc en quelque sorte le bras financier de la stratégie nationale. Mais en Afrique, le paradoxe est que l’augmentation démographique ne s’est pas accompagnée d’une amélioration de la croissance agricole, mais de la dépendance alimentaire. En cause, l’augmentation démographique mal maîtrisée, et un accès au financement très problématique, avec à peine 5% comme financement bancaire des besoins, et une bancarisation d’à peine 20%. Un grand décalage s’installe alors entre ce qui doit être fait et ce qui l’est effectivement.

La raison de cette situation est que le modèle des banques agricoles n’a pas marché comme il aurait dû, pour cause de risques d’assurances, de prix élevés, d’aléas climatiques…

Le CAM, lui, a adopté une stratégie soutenue et cohérente. Pour lever des ressources, il a développé une activité de banque commerciale ordinaire, touchant ainsi à tous les secteurs et catégories socioprofessionnelles. Armé de cette nouvelle approche et fort des fonds levés, il a scindé les besoins de financement en trois blocs, les exploitations agricoles éligibles au financement, soit 20%, puis les PME agricoles, représentant 40% du marché et financées au moyen du système Tamwil el Fellah, une expérience unique au monde, avec le respect des règles prudentielles et la mise en place d’un fonds de garantie qui réduit le risque du CAM. Enfin, la troisième catégorie est celle de la micro-exploitation, représentant également 40% du marché et ne satisfaisant pas aux conditions de financement bancaire, et qui bénéficie du soutien de la Fondation Ardi.

M. Chehhar conclut qu’il est donc parfaitement possible de financer les activités agricoles en Afrique, moyennant une étude exhaustive de chaque marché et de chaque pays, et en développant des solutions adaptées. La prise de risque est bien évidemment inévitable, mais telle est la profession de banquier.

C’est à partir de là que le CAM s’est intégré dans la stratégie lancée par le roi Mohammed VI en 2016 lors de la COP22 et appelée Adaptation à l’agriculture africaine, ou triple A, avec une triple action : la refonte de l’organisation interne, le lancement de services informatiques compétitifs et en développant l’accès au financement.

 

C’est ainsi que le Maroc peut apporter son concours et surtout son expérience aux pays amis, du continent et d’ailleurs, comme en Haïti par exemple, dont le ministre de l’Agriculture a émis le vœu d’une collaboration, en définissant les problèmes que connaît son pays, et qui sont précisément le manque d’intrants comme les engrais et le problème du financement. Le Maroc peut aider… et ce qui est valable pour Haïti l’est aussi pour les pays africains.

AB