(Billet 53) – Attention à l’ensaignement…

(Billet 53) – Attention à l’ensaignement…

On sait que le Maroc a atteint le fond en matière d’enseignement… on sait moins en revanche qu’au lieu de remédier sérieusement à la situation, l’Etat creuse. Le malaise est palpable depuis des années et les causes sont connues, mais au lieu de les solutionner, on les complique. Aujourd’hui, la souffrance de l’enseignement est culturelle, politique et administrative. Attention…

Elle est culturelle car après 63 ans d’indépendance, on ne sait toujours pas quelle langue utiliser pour l’apprentissage… l’arabe, le français, les deux, aucun ? Chacun y va de son opinion énervée et tous se montrent opiniâtres, irascibles et intraitables. Oh vacuité, inanité et irresponsabilité…Pendant ce temps, de pleines cohortes de « mal formés » (avec ou sans espace) viennent chaque année grossir les rangs des mécontents.

Elle est politique en ce sens que nos valeureux responsables ont trouvé dans l’enseignement une belle prise pour élections à venir. Sur la scène politique, les acteurs nous jouent encore leur comédie et risquent, à terme, de plonger le pays dans une indescriptible et imprescriptible tragédie. PJD divisé en deux, face au RNI qui éreinte l’Istiqlal, allié objectif du PJD contre un PAM qui trépigne… L’idéologie au service de la médiocratie,...

et inversement…

Elle est administrative, voire bassement comptable, du fait que le ministère agit pour le compte d’un gouvernement qui a les yeux glués sur les grands équilibres macroéconomiques, alors que les enseignants veulent la sécurité de l’emploi et surtout la possibilité de mobilité nationale. L’Etat fait le beau devant FMI et bailleurs de fonds, court après la régionalisation, et les enseignants craignent la précarisation. Les deux ont raison mais tous sont dans une impasse.

Pendant ce temps-là, le secteur privé prolifère et ses heureux propriétaires prospèrent, laissant en laissés pour compte les élèves du secteur public, leurs parents et leurs enseignants. Et tout le monde s’énerve. Tout en haut de la pyramide, le Conseil supérieur philosophe et claironne, l’air grave, des idées très intelligentes mais qui peinent à atteindre l’amont, peuplé de profs en mal de titularisation et des apprenants en peine d’alphabétisation, ou presque, ou si peu, et si mal.

Quand l’approche culturelle va mal, quand le diktat comptable et administratif triomphe, quand le politique s’amuse…c’est l’explosion de colère, puis l’explosion tout court qui guette, dans un contexte international d’énervement qui rend les choses plus difficiles. Attention à l’enseignement… et au saignement !

Aziz Boucetta