(Billet 52) – Contre la mauvaise humeur… l’humour

(Billet 52) – Contre la mauvaise humeur… l’humour

Ils sont jeunes, ils sont beaux… ils sont aussi très énervés et ils affichent surtout et avant tout un sens ahurissant de l’humour et de la dérision. Les jeunes Algériens nous ont montré de quoi ils sont capables : pétrifier un système momifié au moyen d’une déconcertante dose d’humour pour exprimer leur mauvaise humeur. Et cela s’étend au Maghreb.

En Tunisie, les jeunes (puis les moins jeunes, après) ont fait leur révolution en 2011, et ils y sont encore... Au Maroc, on ne bouleverse rien, le système monarchique est séculaire et bien installé au sein de la société et dans les cœurs. Les esprits ronchonnent certes parfois, et même souvent, mais cela ne va pas plus loin. En revanche, la classe politique qui se dégrade de jour en jour en prend pour son grade.

Observons nos amis algériens… Qui n’a pas ri à la lecture des slogans brandis ici et là, sur le 5ème mandat de M. Bouteflika, sur le prolongement du 4ème, ou « 4+ », sur le « retour de la momie » ?... En face, les harangues épistolaires du survivant Bouteflika et les mises en garde lapidaires du général Gaïd Salah sont aussi lugubres...

qu’une tombe profanée.

Chez nous, et bien que la caricature ne soit ni tout à fait interdite ni gentiment autorisée, les dessins et montages/photomontages fleurissent sur les réseaux, avec comme point d’orgue le boycott printanier de 2018. C’était là la force principale d’Abdelilah Benkirane qui avait compris que pour séduire, il faut faire rire… Et ça a marché pour lui, d’autant plus qu’en face, rares sont les « responsables » politiques connus pour faire se tordre de rire une salle

La jeunesse maghrébine s’est universalisée. Elle observe les autres, et elle retient les exemples, qui sont souvent des leçons. Notre jeunesse nord-africaine est désormais instruite, connectée, totalement affranchie des peurs d’antan, même si de légitimes craintes subsistent. Cette jeunesse s’est donc très naturellement politisée, face à un personnel politique fossilisé et triste comme un remords.

Quel est le meilleur moyen de faire dérailler quelqu’un qui se prend (à tort) au sérieux ? Le railler… L’humour est désormais l’arme fatale des peuples maghrébins, et il est bien plus classe que la casse. L’humour est licite, peut-être tacite, et n’a surtout pas de limites, sauf l’intelligence de ceux qui en font les frais. 

Aziz Boucetta

Illustration d'algerie-monde.com