Lettre ouverte à Lakhdar Ibrahimi sur l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, par Fatiha Daoudi

Lettre ouverte à Lakhdar Ibrahimi sur l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, par Fatiha Daoudi

Le contentieux entre l’Algérie et le Maroc est foncièrement lié au tracé colonial de leur frontière commune. Ce tracé a, pour avantager l’Algérie française, fait fi de l’histoire du Maroc comme il a fait fi de celle de la Tunisie, de la Libye et du Mali.

Non Monsieur Ibrahimi, il ne peut y avoir d’apaisement politique entre l’Algérie et le Maroc sans la résolution de l’affaire du Sahara ! Ce n’est certainement pas à un cacique du régime algérien comme vous que j’apprendrais cela ! Soutenir sans ciller que l’affaire du Sahara devrait être mise de côté pour permettre la construction du Grand Maghreb, c’est faire de l’angélisme et fourvoyer ainsi l’opinion publique ! Car seule, la mise à plat de ce contentieux,sans hypocrisie et sans détours, en fera une réalité.

L’Algérie, un jour ou l’autre, devrait arrêter d’occulter le fait que le Maroc est depuis quarante ans dans ses provinces sahariennes et n’est pas prêt à renoncer à leur administration qu’il exerce pleinement. Elle devrait aussi remettre en cause son aide au Polisario sous le slogan ronflant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et qui n’a pour conséquence que la pénalisation de notre région.

Force sera aussi pour le Maroc de rectifier, sur le plan international, sa position dans cette affaire et d’affirmer haut et fort qu’il n’y a pas de litige entre lui et le Polisario mais bien avec l’Algérie ! Que l’affaire du Sahara est tout simplement une conséquence de la colonisation du Maroc...

et que le fait qu’il ait eu deux colonisateurs, la France et l’Espagne et  non un seul comme l’Algérie, a compliqué sa décolonisation qui a dû se  faire par étapes et dont la dernière est la récupération des provinces sahariennes.

Il est également grand temps pour l’Algérie et le Maroc de reconnaitre que le partage colonial a fait beaucoup de mal à leurs relations, particulièrement à la circulation de la population maghrébine, et qu’il continue de le faire plus d’un demi-siècle après leur indépendance.

En donnant comme exemple l’édification de l’Union européenne, vous semblez oublier, Monsieur Ibrahimi,  que le lourd contentieux européen a été affronté avec maturité et sans ambiguïté. Seule, cette approche a pu effacer des siècles de luttes intestines. Aujourd’hui, même dans les pires cauchemars, il n’est pas possible d’envisager un retour aux situations conflictuelles !

Et vous savez pourquoi, Monsieur Ibrahimi ? Tout simplement parce les pays européens, après tant de souffrances, ont privilégié la responsabilité politique, la démocratie et le respect de la citoyenneté et des citoyens ! Ce que semble ignorer l’autoritarisme !

Cette réalité ne peut être ignorée, bien au contraire ! Appeler à mettre le contentieux du Sahara sous le tapis comme si c’était de la poussière afin d’édifier un espace maghrébin, c’est essayer de camoufler les responsabilités.

La population maghrébine a besoin d’un espace pérenne et non d’une parodie !

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Fatiha Daoudi est l'auteure d'un livre (ci-dessous), publié aux éditions l'Harmattan et thèse de son doctorat, sur la population frontalière algéro-marocaine depuis la fermeture des frontières, ainsi que les écosystèmes qui se sont développés dans cette zone.

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