(Billet 30) - Saâd Lamjarred, Grand ou gland ?
Posez la question à n’importe quelle femme, et elle vous dira que rien n’est plus difficile que de dénoncer un viol qu’elle aurait subi. Pour Saad Lamjarred, elles sont plusieurs femmes à avoir affirmé qu’il les avait violées, ici, en France, aux Etats-Unis, peut-être ailleurs aussi, sans doute demain aussi… Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on… mais alors, pour le chanteur, ce n’est plus du feu, c’est un gros sinistre, tellement il y a de fumée. Et gare à l’enfumage du dit « sinistre » !
L’affaire Lamjarred est aujourd’hui entre les mains de la justice de France et de Navarre, les deux affaires même... Mais il est très difficile d’établir un acte de viol car en général, la victime supposée se défend, le violeur présumé s’en défend et les juges sont entre deux feux. Laissons donc Dame justice remplir son rude office, mais dans l’intervalle, c’est cette question de la femme, et de sa place dans la cité, qui continuent déranger.
Dès que cette affaire ressort, l’émotion jaillit et le déni suit. Les fans de M. Lamjarred sont à ce point aveuglés qu’ils refusent même d’envisager l’éventuelle culpabilité de leur champion. Les plus intrépides d’entre eux se contentent de glapir le refrain connu du « présumé innocent », puis d’insulter les autres qui osent un « quand on est ‘présumé innocent’ de plusieurs viols,...
c’est qu’on est potentiellement coupable », sauf à supposer une théorie du complot. Qui en voudrait donc tellement à un chanteur de paillettes, multipliant les chansons aussi colorées que jetables ? Même Staline, qui aurait pu, est mort. En guise de complot, on a assisté au retrait complet des célèbres soutiens du tout aussi célèbre crooner au priapisme insistant, Mes Dupont-Moretti et Fedida, le roi Mohammed VI, les radios…
Et puis, que veut dire ceci : « Pourquoi donc est-elle montée avec lui dans sa chambre ? ». Que Dieu protège ce pays et ses femmes, car avec de telles logiques, tout est permis ! Ces femmes présumées victimes sont en quelque sorte réduites à un ensemble de trous que notre troubadour national, et autres troufions du sexe, ne font que combler, face aux rires gras des fans accablés d’admiration, alors que les proches ferment les yeux et la gueule.
M. Lamjarred était bien parti pour être un Grand, il a réussi à n’être qu’un gland. Son affaire, au-delà de sa personne, est symptomatique du mal-être moral de notre société, qui exalte le pénis, flatte l’hubris et défend le vice. Sur nos terres, le débat sur l’égalité des sexes est lancé, mais avant l’égalité et la parité, et face à l’effarant diagnostic de nos compromissions, il faut que les femmes arrachent préalablement leur dignité. Bon courage !
Aziz Boucetta
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