Rien ne va plus au sein du groupe CGEM à la Chambre des conseillers… et à la CGEM (Aziz Boucetta)

Rien ne va plus au sein du groupe CGEM à la Chambre des conseillers… et à la CGEM (Aziz Boucetta)

Ce lundi marque le début d’une semaine de vote à la Chambre des conseillers pour la mise en place de ses instances, et ce lundi, la CGEM s’est réveillée bruyamment, sur le tumulte d’une lettre adressée par la vice-présidente de la Chambre Neïla Tazi, élue du groupe parlementaire CGEM, à Abdelilah Hifdi, chef de ce groupe. Lettre décapante qui montre les turpitudes internes d’un groupe, d’une Confédération, qu’on pensait à l’abri de ces choses-là…

La lettre comporte des accusations très graves, qu’on aurait pu attendre de la part d’un quelconque parti – on en a l’habitude – mais pas de la CGEM. Le chef du groupe de la Confédération a donc, selon Mme Tazi (photo), œuvré et manœuvré pour entériner le choix d’un autre qu’elle pour siéger au bureau de la Chambre. Selon les confidences d’un patron parlementaire, les élus CGEM ont bien été convoqués par mail, ainsi que le rapporte celle qui est toujours vice-présidente mais qui devrait être remplacée par l’industriel Hamid Souiri, conformément à la seule volonté de M. Hifdi.

Quel est le « crime » de Neïla Tazi ? « Sa proximité avec la presse », dit-on !!! En dehors du fait que la relation avec les médias relève de son cœur de métier de patronne d’agence conseil et de directrice du Festival Gnaoua Musiques du monde, l’explication est inacceptable. Les élus CGEM veulent-ils donc « légiférer » entre soi, et n’alerter les médias que pour les sujets qu’ils considèrent intéressants, ou pour chanter leur gloire, même éphémère ? Cela en a tout l’air. Nous avons essayé de contacter M. Hifdi, par téléphone et par message, mais hélas sans suite.

En vérité, ce qu’on reproche à Neïla Tazi, ce sont ses prises de position passées, durant ces trois dernières années, sur le fonctionnement de la Chambre, sur ses engagements financiers, sur les tractations/concertations entre membres du Bureau… Neïla Tazi est un OVNI (objet voté et naturellement impliqué) dans la vie politique du pays. Elle est, avec d’autres avant elle et d’autres très certainement après elle, la personnification du rejet de la classe politique adepte de l’entre-soi par la société civile, dont elle fait d’abord et avant tout partie.

Et ainsi donc, on lui fait signer une feuille d’émargement le jour de l’ouverture du parlement par le chef de l’Etat. Elle pensait que c’était un document anodin, une sorte de feuille de présence, mais elle apprend vite que c’est un document officiel d’appartenance au groupe, tel que stipulé par l’article 47 du règlement intérieur de la Chambre. Neïla Tazi en conteste la légalité.

Puis, ce lundi 15, jour de l’élection de M. Benchamas, le groupe CGEM était convoqué d’une manière étrange par M. Hifdi. L’ordre du jour est connu, mais personne ne comprend exactement de quoi il en retourne, les 8 membres s’étant accordés durant l’été sur la reconduction de Neïla Tazi à la vice-présidence, si vice-présidence il y a toujours pour la CGEM. En effet, le président, largement élu cette fois (63 contre 19 à son adversaire), contrairement à 2015 (25 contre 24), pourrait être amené à créer d’autres équilibres, avec d’autres groupes, peut-être même le sien. En 2018, le groupe CGEM compte bien moins qu’en 2015, et ce qui est fait est fait, Hakim Benchamas est désormais président jusqu’à la fin de la...

législature. Il sera certainement enclin à confier cette 5ème vice-présidence à quelqu’un de chez lui, au PAM, histoire d’y prendre un peu plus de poids.

Mais le bureau de la Chambre perd sa seule femme, qui ne se contentait pas seulement d’apporter de la couleur au milieu de 6 ou 7 types en gris. Neïla Tazi est polyglotte et entretient un très vaste réseau à l’international, patiemment construit en 20 ans avec le Festival Gnaoua et son métier de communicante.

Au sein du groupe CGEM, ce 15 octobre, le vernis craque, les amitiés volent en éclats, le sens de l’engagement dérape et les ambitions fusent. Quand les huit patrons se retrouvent donc, après l’élection de Hakim Benchamas, chacun y va pour son compte. Avant, c’était Neïla Tazi qui devait rempiler, avec l’assentiment des autres, mais ça c’était avant… le 15 octobre, Hamid Souiri (à droite sur la photo) veut y aller, Abdelkrim Mehdi veut aussi y aller, et Youssef Mouhyi ne voit aucune raison de ne pas y aller. Tous, M. Hifdi compris, évoquent le fameux et très galvaudé principe de rotation sur les fonctions. Fort bien, mais si rotation il y a, elle devrait concerner aussi la présidence du groupe tenue par Abdelilah Hifdi. Or de cela, nul ne parle, tout le monde focalisé sur son ambition de devenir grand. Pour faire court, le principe de rotation ne s’applique ici qu’à la vice-présidente sortante, accusée d’entretenir des relations de proximité voire – quelle infâmie ! – d’amitié avec les médias.

Dans les rangs de la CGEM, les choses tanguent… Bien tenues du temps de Miriem Bensalah Chaqroun, elles dérapent sous l’actuelle présidence de Salaheddine Mezouar, sévèrement encadré par M. Hifdi, et d’autres encore qui ont des idées bien tranchées en tête, dans lesquelles les intérêts du patronat ne figurent pas dans les premiers rangs. Et c’est peut-être sa proximité avec l’ancienne présidente que Neïla Tazi paie aujourd’hui, elle qui a pourtant la légitimité de son engagement social et culturel, à Essaouira, et qui a développé des amitiés ici et ailleurs qui pourraient beaucoup servir le royaume, confronté depuis quelques années à une hostilité mondialisée et à des secousses sociales régulières.

On verra bien alors comment évolueront les choses dans les heures ou jours qui viennent, tant au niveau de la CGEM qu’à celui de la Chambre et de la classe politique. Rien ne va plus comme cela devrait, majorité et opposition se diluent et s’entremêlent, l’opposition est en rangs éclatés et la majorité ne suit plus aucune logique, les syndicats affichent leurs ambitions et la CGEM sombre dans les calculs politiciens. Son nouveau président Salaheddine Mezouar, manifestement dépassé par la situation, se transforme en pompier, mais un pompier sans lance, et s’apprêtait selon nos informations à réunir son groupe parlementaire pour « causer ».

Dans l’attente, personne, dans cette noble institution qu’est la Chambre des conseillers, pas même son président Hakim Benchamas, ne songe à relire, attentivement et lentement, le discours royal pour en comprendre la lettre, à défaut de l’esprit. Le chef de l’Etat a demandé des hommes d’Etat, il obtient des hommes et des zones d’éclat(s).

Rendez-vous, donc, le 24 octobre, ce mercredi, pour le vote ultime, et la lutte finale, en plénière. Et place à la suite…

AB

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