Après plusieurs mois de silence, le RNI réussit (presque) sa rentrée

Après plusieurs mois de silence, le RNI réussit (presque) sa rentrée

Marrakech, 21 septembre 2018, le RNI organise sa 2nde université d’été, ou plutôt celle de sa jeunesse. Le lieu est le même que l’année passée, l’université privée de Marrakech, et les cadres et dirigeants du partis présents à cette activité sont aussi les mêmes que l’année dernière, mais le contexte a changé. Le boycott est entretemps passé par là, Mohamed Boussaïd est parti, et Mohamed Benchaâboune est arrivé. Chaise musicale au sein du RNI, mais la musique semble avoir changé.

Ils étaient 3.000 jeunes et moins en 2017 à cette grand-messe de fin d’été du parti présidé par Aziz Akhannouch, et ils sont 4.000 cette année, selon les organisateurs. Vérification faite, l’estimation est exacte. Mais contrairement à l’année dernière, l’enthousiasme était moins vif, plus poussif. Mais on comprendra plus tard…

Plusieurs orateurs se sont succédé au pupitre, face à l’assistance, sous l’œil du drone-qui-voit-tout. Youssef Chirri, le président de la jeunesse RNIste a parlé du parti, de ses jeunes, de leurs espoirs, en arabe et en amazigh, mais sans convaincre grand-monde. Vient ensuite sa vice-présidente, la jeune Yasmine Lamghaouar, 22 ans et oratrice confirmée. Elle attaque bille en tête un courant du PJD, en filigrane l’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et va même très loin en osant un « la jeunesse du RNI est la plus forte car elle est omniprésente ». Elle est plus convaincante que son prédécesseur et que ceux qui prennent sa suite au pupitre, Amina Benkhadra et Mohamed Aujjar, respectivement patronne de l’ONHYM et ministre de la Justice, tous deux dirigeants de premier plan du RNI mais soporifiques hors-pair.

Et puis arrive Rachid Talbi Alami, ministre de la Jeunesse et des Sports, ancien président du parlement et habitué des discours calmes certes mais percutants. Il s’en prend aussi au courant du PJD opposé à celui du secrétaire général Elotmani, dénonce son modèle turc, taquine l’incident diplomatique, et rappelle la récente victoire du RNI à l’élection législative partielle dans la région de Tétouan, la sienne. Mais Talbi Alami a ceci de positif qu’il sait parler aux gens du RNI, évoquant son histoire de 40 ans, citant les noms des Anciens, appelant les jeunes et les dirigeants actuels à aller de l’avant. Il est moins mollement applaudi, car il est apprécié par ses bases, pour sa régularité, sa implicité, sa proximité avec les militants, et on empathie.

Il aura fallu le discours très attendu du président du parti pour donner vraiment de la vigueur à cette université d’été du RNI. On n’avait pas entendu Aziz Akhannouch au RNI depuis son dernier grand discours programme d’Agadir, fin février. Entretemps, il a dû affronter une très féroce campagne économique, puis médiatique, et enfin politique contre lui. Il avait choisi d’adopter la posture du roseau, attendant que l’orage passe. Ce soir, à Marrakech, le ministre et président du parti a été percutant, incisif, détendu mais énervé, souriant mais agressif. Les 4.000 participants se sont tous,...

ou presque, laissés emporter par la verve de leur président, incertain au début de son discours, électrique à la fin.

Aziz Akhannouch n’a pas laissé passer l’occasion de répondre à la campagne qui l’avait visée, lui plus que son parti, et il attaque dès le début : « Au moment où nous travaillions, d’autres, les ennemis du succès politique des Indépendants, sont passés maîtres dans l’art de la rumeur, réunissant des moyens colossaux pour nous éreinter. Je pourrais vous parler des heures durant de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils ont dit, et des moyens qu’ils avaient en leur possession… et je peux même vous dire qui ils sont »… Le public se réveille d’un coup, mais le président du RNI tempère, joue la montre et annonce qu’il fera des révélations en temps utile, renvoyant les pressés vers « la presse étrangère, qui a déjà commencé à divulguer des détails ». Puis, déroulant son programme, Aziz Akhannouch confirme que le RNI peut créer de la richesse et des emplois, et confirme aussi les 2 millions d’emplois à créer également dans les 5 ans à venir. Le président du RNI a incontestablement réussi sa rentrée et sa sortie de la retraite dans laquelle il semblait s’être confiné depuis quelques mois.

Le lendemain, plusieurs ateliers thématiques ont démarré leurs travaux, dont celui des réseaux sociaux et un autre, très prisé par les jeunes : « J’ai un projet ». Cet atelier était animé par Moncef Belkhayat, le « frère de tous », toujours convaincu par lui-même, à jamais fier de son action, mais toujours sympathique. Et il faut dire que la salle était convaincue par son propos didactique sur la création et la marche de l’entreprise. L’idée de l’atelier, qui s’est tenu en présence du ministre Moulay Hafid Elalamy, est de sélectionner une trentaine de projets d’entreprise, de les suivre et de contribuer résolument à leur mise en place effective.

Au lieu des trois projets qui devaient être retenus pour aides, conseils et montages, l’atelier, sous l’impulsion de MM. Elalamy et Akhannouch, a finalement décidé de sélectionner 15 projets, dont six portés par des jeunes femmes. L’idée est que le RNI étant un parti libéral, malgré sa démocratie sociale affichée et annoncée, s’inscrit dans une démarche logique et innovante : créer des opportunités de création d’affaires et de richesses en interne, et tirer profit du positionnement public de ses dirigeants.

Le RNI a-t-il donc réussi sa rentrée politique ? On peut dire que oui… Et son président ? Aussi… Mais cette rentrée et ce succès ne sauront véritablement être confirmés que si le parti, ses cadres, ses dirigeants et son chef continuent sur leur lancée, rencontrent leurs gens, usent de leur entregent… et surtout réduisent la marge et l’écart entre bureau politique et bases. Un parti ne fonctionne que par la collusion entre ses dirigeants et ses bases, les secondes devant se sentir parfaitement à l’aise avec les premiers. Là, du travail reste à faire, mais c’est possible.

Aziz Boucetta

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