France-Maroc, est-ce (toujours) l’idylle ou est-ce (encore) un coup de froid ?

France-Maroc, est-ce (toujours) l’idylle ou est-ce (encore) un coup de froid ?

Le président français Emmanuel Macron devait venir sur nos terres marocaines ce mois de septembre pour y rencontrer le roi Mohammed VI et discuter de choses concernant les deux pays. Puis la visite a été annoncée pour le mois d’octobre, avant que, finalement, elle ne soit fixée pour début 2019. Pourquoi ces reports ? Sans doute en raison d’un froid, un autre, qui se serait installé entre Rabat et Paris. Histoire en trois temps…

Episode 1, les migrations. En difficulté en son pays, le locataire de l’Elysée voulait reprendre la main en matière migratoire et offrir une sortie de crise à l’Union européenne, où il semble aussi en difficulté. L’idée est de proposer aux pays émetteurs de migrants de mieux, et de plus, contrôler les flux sur leurs territoires. Le Maroc est un pays émetteur direct et indirect, c’est-à-dire que les Marocains émigrent vers l’Europe, mais aussi les Subsahariens qui transitent par le royaume pour aller tenter leur chance dans les eaux du Détroit de Gibraltar.

Or, sollicité, le Maroc avait opposé voici quelques semaines une fin de non-recevoir, nette et brutale. Non, le Maroc ne déploiera pas de centres de rétention sur son sol. Selon les médias français, M. Macron voulait venir au Maroc pour insister un peu auprès du roi. Mais ayant pris la mesure du refus du Maroc, non négociable semble-t-il, il aurait décidé de surseoir à sa visite.

Les retards de la mise en service du TGV Tanger-Casa, de construction française, et que les deux chefs d’Etat devaient officialiser, tombe à point pour justifier en langage politiquement correct ces reports de visite.

Episode 2, le cas Thomas Gallay. Lui, il est Français, et en 2016, il avait été arrêté, jugé et condamné pour soutien financier à une entreprise terroriste. Sa mère s’est alors transportée cet été au fort de Brégançon, résidence estivale des présidents français, pour y rencontrer M. Macron. Celui-ci lui accorde 30 minutes d’entretien et lui promet de s’occuper « personnellement » du dossier de son fils. En clair, cela signifie qu’il en parlera au roi Mohammed VI lors d’une rencontre prochaine.

La mère dit que son fils est « otage » du Maroc. Fort bien, mais alors, comment peut-on donner tant de crédit à nos services de sécurité – BCIJ, DGST et les autres… –, quérir leur collaboration, trouver par leur entremise des...

terroristes, déjouer grâce à eux des tentatives d’attentats… tout en remettant en cause l’arrestation d’un homme soupçonné, puis convaincu, de soutien au terrorisme ? Emmanuel Macron ne semble pas avoir remis en question le terme « otage » employé par la mère, dont on comprend le désarroi, et dans un acte de politique intérieure (il est en très sérieuses difficultés de politique intérieure), il souhaiterait plaider en faveur de cet homme. On verra bien la réaction du Maroc face à l’intervention « personnelle » du président français.

Episode 3, les journalistes marocains poursuivis en France. Ils sont plusieurs journalistes marocains à avoir été convoqués par la justice française cet été, car un autre Marocain a porté plainte contre eux, du fait de leurs articles sur son intrusion dans la chambre d’un hôpital militaire parisien occupé par un officier marocain, en 2014. La juge a adressé ses convocations au journaliste, dont Habib Malki, devenu entretemps 3ème personnage de l’Etat marocain, directement, sans passer par les juges de liaison ainsi que le prévoit la convention judiciaire signée en 2015 par les deux Etats.

La ministre française de la justice, contactée par son homologue marocain, a reconnu un dysfonctionnement, un « couac ». Certes, cela peut se produire, mais un couac appelle à une sanction contre le magistrat qui en est l’auteur. Mais rien jusqu’à présent.

Tous ces faits ne portent pas vraiment à conséquence, mais séparément. Mis bout à bout, ils peuvent être à l’origine d’un coup de froid dans les relations « historiques », « séculaires », « excellentes », entre Rabat et Paris. Or, connaissant la nature passionnelle de ces relations, et au vu de cette sorte de compétition africaine entre les deux pays, et des difficultés actuelles d’Emmanuel Macron, qui peuvent le conduire à faire montre de peu de diplomatie et de délicatesse diplomatique, une crispation diplomatique est vite arrivée, les deux dernières affaires étant de nature juridique, et le comportement français y étant un peu « condescendant »…

Il n'en reste pas moins que la France reste par ailleurs, quand même, le premier soutien du Maroc au Conseil de Sécurité de l'ONU pour la question du Sahara. un soutien extrêmement précieux, et sûr. Paris le sait, Rabat ne l'ignore pas, mais la courtoisie diplomatique doit rester de mise, malgré les aides, les soutiens et la protection mutuelle...

Les semaines à venir apporteront leur lot de réponses.

Aziz Boucetta

Commentaires