Quel est le sens de l’entretien entre Mohammed VI et le secrétaire général de l’ONU ?

Quel est le sens de l’entretien entre Mohammed VI et le secrétaire général de l’ONU ?

Suite aux incursions répétées des éléments du Polisario dans la région extrême sud du Maroc, dans la zone tampon séparant le royaume de la Mauritanie, le chef de l’Etat marocain a officiellement saisi le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, attirant son attention sur les événements qui se produisent dans cette région ; les mots employés sont sans équivoque…

Le communiqué du palais royal indique qu’ « au cours de cet entretien, Sa Majesté le Roi a attiré l’attention de Monsieur Guterres sur la situation grave qui sévit dans la région de Guergarate au Sahara marocain, à cause des incursions répétées des éléments armés du Polisario et de leurs actes de provocations. Ces actes se sont préméditamment produits un mois avant le retour du Maroc à l’Union Africaine, afin de créer la zizanie et tenter, en vain, de torpiller ce processus ».

Le roi part du principe que le patron des Nations Unies connaît bien la problématique du Sahara, ayant exercé dix années durant les fonctions de Haut-commissaire aux Réfugiés, et à ce titre ayant visité les camps de Tindouf et vu de ses propres yeux ce qui s’y produit. Guterres avait ainsi été le premier à annoncer l’effectif de 90.000 personnes vivant dans ces camps. Il avait également dénoncé l’absence de recensement de ces populations, ce qui aurait permis de mieux définir le volume de leurs besoins et le niveau des aides qui devaient leur être acheminées.

Le roi a demandé « au Secrétaire Général de l’ONU de prendre les mesures urgentes et nécessaires afin de mettre un terme à cette situation inadmissible, qui menace sérieusement le cessez-le-feu et met en péril la stabilité régionale ».

Qui menace sérieusement le cessez-le-feu…  Ainsi, et du fait qu’un mois déjà avant la réintégration du Maroc à l'Union africaine, Guergarate, localité frontalière située à l'extrême sud-ouest du Sahara sur 3 à 6 km avant d'arriver en Mauritanie, était déjà le théâtre d'une tension maintenue entre le Maroc et le Polisario depuis le mois d’août, le roi signifie à Guterres que le Maroc ne saurait rester passif face aux provocations répétées du Front et, derrière lui, l’Algérie.

En effet, le nouveau chef du Polisario Brahim Ghali, soutenu par ses parrains, les militaires algériens, aurait besoin d’un coup d’éclat pour asseoir sa légitimité qui ne pourrait être qu’une légitimité de guerre. De plus, face aux coups de butoir de la diplomatie marocaine en Afrique, les Algériens se sentent de plus en plus isolés et pourraient être tentés par un coup de force par procuration. Cela...

ne saurait passer que par l’agressivité du Polisario au point de tension qu’est Guergarate.

L’ONU en est parfaitement consciente, et Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général essaie de temporiser et assure que les Nations unies suivent la situation de très près. « Nous sommes très concernés par l’état actuel des tensions autour de la zone de Guergarate où il a des éléments armés du Maroc et du Front Polisario à proximité l’un de l’autre dans la zone tampon. Pour sa part, le secrétaire général demande aux deux parties de retirer leurs éléments armés sans conditions de la zone tampon le plus rapidement possible pour créer un environnement où le dialogue puisse reprendre le plus vite possible ».

Mais Antonio Guterres adopte depuis son installation une position d’attentisme, maintenant encore le controversé Christopher Ross à la fonction d’Envoyé spécial du secrétaire général, alors même qu’il est rejeté par le Maroc.

Que peut donc faire le royaume ? Pour faire court, répondre par les armes aux incursions du Polisario, dont les chefs affirment que leurs troupes sont à 120 mètres de l’armée marocaine et qu’ils procèdent à des contrôles des véhicules transitant par la zone de Guergarate. Situation inacceptable pour le Maroc qui, dans le droit sillage de sa nouvelle diplomatie offensive, pourrait user d’un « droit de poursuite » des combattants du Polisario dans la zone tampon. Et c’est le sens du message du roi Mohammed VI à un Guterres qui ne pourrait se permettre cela à un mois de son arrivée.  Une confrontation armée entre Polisario et armée marocaine ramènerait le conflit à la situation de 1991, année de la signature du cessez-le-feu.

Une telle confrontation, pour dangereuse qu’elle soit, mettrait directement aux prises les militaires marocains et les combattants du Polisario, qui seraient balayés, même avec le soutien des Algériens sauf à envisager une intervention directe de ces derniers, une option à exclure, Alger ne voulant aucunement être mêlé à cette affaire.

Brahim Ghali et le Polisario vont cependant se confier aux médias algériens et le représentant du Front a demandé et obtenu vendredi 24 février une audience de Guterres, en urgence, pour lui remettre un message de son chef, en réaction à l'entretien du roi et du secrétaire général. Le polisario en profite également pour dérouler un état chiffré de ce qu'il présente comme le pillage marocain des ressources du Sahara. Mais il s'agit là de gesticulations, auxquelles le patron de l'ONU devrait prendre garde. Il n'y a pas plus dangereux et agressif qu'un Front blessé et acculé...

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