Amnesty International publie son rapport annuel 2016…

Amnesty International publie son rapport annuel 2016…

Des rapports d’Amnesty International, il y en a chaque année, mais il est rare qu’ils soient aussi sombres, porteurs d’aussi noires perspectives dans le monde. Il est vrai que la montée des nationalismes et que l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche n’ont pas de quoi rassure. Au Maroc, la situation n’est pas des meilleures non plus, selon l’ONG, mais l’impression globale reste positive .

Pour le royaume, AI (page 297) note en préambule que « des restrictions continuaient de peser sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les autorités ont poursuivi des journalistes et dispersé par la force des manifestations. Les femmes faisaient l’objet de discriminations dans la législation et dans la pratique. La loi sanctionnait  toujours pénalement les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu ».

Après être revenu sur des affaires anciennes, toujours en jugement mais sans véritable volonté de conclure ces procès (Ali Anouzla, des journalistes poursuivis pour atteinte à la sécurité de l’Etat), AI cite le cas du juge Haïni : « En février, le Conseil supérieur de la magistrature a révoqué le juge Mohamed Haini, qui avait été accusé par le ministère de la Justice et des Libertés d’avoir enfreint son devoir de réserve et exprimé des opinions politiques en critiquant sur des réseaux sociaux, entre autres, les projets de loi sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le statut des juges ».

Et cette année encore, poursuit Amnesty, « les autorités ont bloqué l’enregistrement officiel de plusieurs organisations de défense des droits humains, notamment des branches locales de l’Association marocaine des droits humains, de Freedom Now et de la Coordination maghrébine des organisations des droits humains ».

L’ONG n’a pas manqué non plus d’évoquer le cas de la bastonnade policière contre des enseignants stagiaires qui contestaient les décrets du gouvernement les concernant. Et à côté de cela, les cas du procès de Gdim Izik, rouvert par la justice marocaine, celui de détenus ou de militants qui seraient morts sous la torture. Mais ce sont des cas que la justice et les autorités nient, et qu’Amnesty rapporte quand même (comme Ali Aarass et d’autres encore). C’est son rôle.

Plus sérieux – si l’on ose dire…  – l’impunité. Ainsi, l’ONG explique « les autorités n’ont rien fait pour mettre en œuvre les principales recommandations émises par l’Instance Equité et Réconciliation, 10 ans après la publication par cet organe de son rapport sur les atteintes aux droits humains commises entre 1956 et 1999 ». AI mentionne la législation entre en vigueur cette année, comme celle du Code de la presse, dont les peines privatives de liberté ont été supprimées, ou encore la loi contre la violence faite aux femmes, où AI note certaines avancées, cependant perfectibles, ou enfin la loi sur les employées de maison…

Le passage réservé aux migrants reflète exactement la situation de ces personnes, empêchées d’accéder aux enclaves espagnoles...

de Sebta et Melilla, avec souvent l’usage abusif de violence de la part des forces de l’ordre marocaines et espagnoles. Mais le rapport relève la nouvelle politique de régularisation et d’accès aux services sociaux.

Enfin, Amnesty revient sur le cas de la peine de mort, un élément fondamental pour l’ONG. Et au Maroc, le débat continue, avec très peu de chances de voir l’abolition adoptée par le parlement. Ainsi, explique AI, «  les tribunaux ont continué de prononcer des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu depuis 1993. En juillet, les autorités ont commué les sentences capitales de 23 prisonniers en réclusion à perpétuité ».

On relèvera une impression globalement positive de la situation des droits de l’Homme au Maroc, en dehors  des cas de torture et de mauvais traitements relevés ici et là. Mais dans ces affaires, les autorités ont réagi, soit en poursuivant les fonctionnaires impliqués, soit en niant les faits.

Les conclusions d’AI sont en revanche nettement plus alarmantes pour d’autres pays, comme l’Algérie, les Etats-Unis et aussi la France, avec son état d’urgence qui limite les libertés publiques. Globalement, le rapport témoigne surtout, au fil de ses 504 pages, de l’impact dévastateur des discours de rejet et de peur prononcés par les hommes politiques. Des paroles qui se sont multipliées favorisant le repli identitaire et développant une rhétorique cynique du « nous contre eux » à un niveau, souligne le document, qui n’est pas loin de rappeler les années 1930.

Ainsi, les discours « clivants » d’un Donald Trump aux Etats-Unis, un Viktor Orban en Hongrie, un Recep Tayyip Erdogan en Turquie ou d’un Rodrigo Duterte aux Philippines s’acharnant sur des groupes entiers de population, les désignant comme boucs émissaires, propagent, d’après les auteurs, l’idée selon laquelle certaines personnes sont moins « humaines » que d’autres.

En France, 2016 a été « très préoccupante », selon Amnesty international, qui dénonce la restriction des droits au nom de la lutte contre le terrorisme. Or, de fin 2015 à fin 2016, « seul 0,3% des mesures liées à l'état d'urgence a débouché sur une enquête judiciaire pour faits de terrorisme ». En revanche, « ces assignations à résidence ont entraîné des pertes d'emploi ou la marginalisation de ces personnes », déplore Camille Blanc, présidente d'Amnesty international France.

En Algérie, l’ONG internationale des droits de l’homme déplore que des personnes qui avaient critiqué pacifiquement le gouvernement aient fait l’objet de poursuites pénales et que des médias aient été fermés : « En mars, un tribunal de Tlemcen a déclaré Zoulikha Belarbi, membre de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), coupable de diffamation, d’’’outrage au président de la République’’ et d’’’outrage à corps constitué’’ et l’a condamnée à une amende ». Il lui était reproché, rappelle le rapport, d’avoir publié sur Facebook un photomontage satirique montrant le président Abdelaziz Bouteflika et des responsables politiques ; une cour d’appel l’a condamnée, par la suite, en décembre 2016, à six mois d’emprisonnement.

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