Pourquoi le vote du parlement pour l’acte constitutif de l’Union africaine est-il important ?

Pourquoi le vote du parlement pour l’acte constitutif de l’Union africaine est-il important ?

L’instance législative met les bouchées doubles pour l’adoption du projet de loi 01-17, portant approbation de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Trois mois après l’élection de la 1ère Chambre, il aura fallu un Conseil de ministres pour accélérer le tempo de la musique de (la 1ère) Chambre. Demain jeudi 19 janvier, le texte sera adopté par le parlement, avec ses deux Chambres.

Ainsi, ce 18 janvier, la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants a adopté à l’unanimité de ses membres le projet de loi en question. La séance plénière est prévue pour la fin de cet après-midi, et le projet sera voté, puisqu’il n’y a aucune opposition pour cette affaire d’intérêt national.

Quant à la Chambre des conseillers, elle se réunira à son tour le 19 janvier et le projet sera adopté en séance plénière en fin de journée. A l’unanimité aussi, sans aucun doute.

Il faudra donc que la loi ainsi adoptée soit publiée au Bulletin Officiel pour devenir officielle et opposable. On peut escompter une diligence du Secrétariat général du gouvernement pour assurer l’opération durant le weekend.

Et donc, lundi, au début des travaux préparatoires du Sommet de l’Union africaine, où les chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus dès le 29  janvier, le Maroc pourra déposer ses instruments de ratification de l’Acte constitutif de l’UA.

Côté algérien, et sahraoui (indépendantiste), on se frotte déjà les mains. Si le Maroc n’a pas demandé la suspension de la RASD avant d’adhérer à l’UA, c’est qu’il reconnaît en creux cette république. En effet, l’Acte constitutif est signé par l’ensemble des pays africains adhérents, RASD comprise. Donc, selon la logique algérienne et sahraouie (ce qui revient d’ailleurs au même), le Maroc siègera aux côtés de la RASD. Exact.

Mais c’est oublier la phrase lourde de sens du roi Mohammed VI dans son courrier adressé à ses pairs africains en juillet 2016 : « Après réflexion, il nous est apparu évident que quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur ». La maladie en question, entre autres maux dont souffre l’Afrique, est de maintenir des vestiges des idéologies passées. En clair, la RASD, soutenue par Alger et Pretoria. Le Maroc siègera donc aux côtés de la RASD, mais pour pouvoir demander sa suspension, voire son exclusion, de l’intérieur de l’Union.

Or, il se trouve qu’Algérie et Afrique du Sud ont pesé de tout leur poids sur les gouvernements africains pour retarder, sinon empêcher, le retour du royaume dans le cénacle africain. Tous les procédés ont été employés. Désinformation, tergiversations, atermoiements de la présidente sud-africaine de la Commission de l’UA, qui...

est l’ex-épouse du président d’Afrique du Sud Jacob Zuma…

Mme Dlamini Zuma, donc, est la personne en charge de recevoir les instruments de ratification de l’Acte constitutif pour entamer la procédure de réception des réponses des Etats à la demande d’adhésion du Maroc. Si Rabat ne lui remet pas cette ratification, elle qui a tant tardé à transmettre la demande du Maroc aux pays africains, il ne fait pas de doute que Mme Zuma aurait brandi ce vice de procédure, et bloqué à son niveau (et avec une joie même pas dissimulée) la demande du Maroc.

Le roi Mohammed VI, qui est personnellement monté à la manœuvre, a dû intervenir à plusieurs reprises pour accélérer la procédure d’admission du Maroc à l’UA. Et parmi les écueils qu’il fallait contourner, les ruses de ses adversaires. Les Algériens et les Sud-Africains avaient déjà commencé à agiter l’idée que l’on ne peut adhérer à une organisation sans en ratifier l’Acte constitutif.

Et, plus tard, quand la procédure législative a été entamée au Maroc pour cette ratification, les mêmes se sont félicités du fait que le Maroc accepte l’idée de siéger avec la RASD, ce qui en fait une reconnaissance. Dans cette grande lutte diplomatique que livre Rabat à l’échelle continentale, tous les moyens sont bons aux yeux de ses adversaires pour influencer les gouvernements dans un sens qui leur serait favorable. Las.

Ecoutons cet ancien ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi : « Dans l’acte constitutif de l’Union africaine, on retrouve deux principes : l’égalité souveraine des États membres et le respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance. Or, quand le Maroc a accédé à l’indépendance en 1956, le Sahara occidental ne faisait pas partie de son territoire ». Certes, mais Sidi Ifni non plus, et d’autres territoires aussi. Et si cet argument était valable et recevable, il y aurait plus qu’une poignée de pays qui reconnaitraîent la RASD et le Conseil de Sécurité de l’ONU aurait eu une position plus ferme et plus tranchée. Ce n’est pas le cas.

C’est tout cela qui a fait dire au ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar et au (nouveau) président de la Commission de Affaires étrangères à la Chambre des représentants Mohamed Yatim que la ratification de l’Acte constitutif n’est nullement une reconnaissance de la RASD, mais juste une procédure politique. Ce que tout le monde sait au demeurant, mais avec Pretoria et Alger, il est toujours bon de le rappeler, sachant que ces deux Etats sont dirigés par des présidents en souffrance, politico-judiciaire pour le premier, et tout court pour le second.

Aziz Boucetta

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