Lettre ouverte à 2017… Bonne année, malgré toi, par Hicham Rouzzak

Lettre ouverte à 2017… Bonne année, malgré toi, par Hicham Rouzzak

Chère, très chère 2017… après les salutations d’usage, souviens-toi de ceci… rappelle-toi que tu es une année chanceuse… Souviens-toi que Trump a été élu en 2016 et que c’était là… la fin. Tout ce qui peut désormais se produire pour toi, chère 2017, ne saurait ni ne pourrait être pire.

Rappelle-toi aussi que personne parmi nous n’attend ni ne s’attend à ce que tu sois nécessairement belle et avenante… sois juste moins calamiteuse… et moins calamiteuse, cela signifie que si les gens sortent pour acheter quelque présent à leurs être chers, ils ne croiseront pas ces abjects adorateurs du sang ou d’autres tueurs au nom de Dieu qui mettraient un terme sanglant à leur existence.

Personne ne nourrit l’espoir que tu puisses convaincre ces adorateurs du sang que les morts en France, en Allemagne, au Liban et au Mali n’ont pas été tués par Dieu, mais par des Satans qui ont endossé le nom et les qualités du Créateur.

Pense seulement, chère … que nous clamons et proclamons toujours notre appartenance au royaume de la presse dont plusieurs membres sont devenus des exilés… Nous autres, nous, journalistes, n’appartenons pas forcément à cette presse de l’ « urgent », du « scandale », du « très grave »… Nous rêvons toujours de restaurer l’information dans sa noblesse, toute sa noblesse, sa prestance et son élégance… à sa nature première, à savoir une information et des journalistes au service des citoyens pour leur faire part de ce qui se produit chez eux et autour d’eux, et non pas ces snipers qui titillent les sens des gens pour les émoustiller, qui tirent sur la crédibilité et l’intelligence, qui tirent sur l’intelligence des gens.

Sois sûre, belle année 2017, que nous rêverons que les journalistes reviennent à leurs vertus premières, qu’ils retrouvent leur sens de l’investigation et leur devoir de crédibilité… que les journalistes comprennent enfin, et contrairement aux propos de l’un d’eux qui veut que le journaliste soit influenceur ou ne soit pas, qu’ils ne sont que journalistes, avec leurs droits et leurs devoirs. Comme avant, comme au temps d’antan…

Rappelle-toi, 2017, que certains parmi les crimes les plus odieux, c’est nous qui les commettons, lorsque nous acceptons d’être les complices et comparses du massacre de la profession.

Chère 2017…

J’espère pour toi que tu seras une année de joie, l’année du bonheur… que les bons sentiments et les heureuses sensations soient au rendez-vous avec toi… Tu seras une année rude, comme tes semblables qui t’ont précédée, mais je forme le vœu pour que tu fasses que l’humain qui reste quelque peu en nous lutte victorieusement contre l’animal que nous sommes grandement devenus … que tu lustres cette rouille et cette moisissure qui recouvrent nos cœurs… que tu frottes nos yeux, que tu les ouvres, que tu les nettoies, que tu réinsuffles de l’oxygène dans nos vaisseaux… pour que l’on puisse, enfin, respirer !

Je te souhaite, chère 2017, que tu ne t’effondres pas comme les années qui t’ont précédée devant toute cette violence, face à cette haine, cette rancœur, cette laideur qui nous ont submergées… que tu ne sois pas dure envers nous. Je voudrais que tu saches, simplement, que la violence n’est guère une solution, qu’elle n’est pas LA solution… Je voudrais que tu sois aussi belle, aussi attirante, aussi envoûtante… qu’une femme, pour que nous fondions entre tes bras et tes mois, pour que nous pensions chaque jour, chaque, heure, chaque minute, toutes les secondes, que cette étincelle de l’amour de la vie ne s’éteigne point.

Chère 2017…

Je souhaite, j’espère, j’attends… que tu rendes au silence ses lettres de noblesse, sa sacralité, pour que ce silence nous conduise à écouter, à méditer, à comprendre et accepter… ou au moins à accorder quelque attention à ceux qui restent en dehors du tumulte et du vacarme, du grondement et de l’entendement.

Que tu comprennes aussi que chaque jour des 365 qui arrivent soit plus beau que notre intérêt pour l’absurdité et l’insolence, pour la stupidité, l’errance et le non-sens.

Que l’exploitation des enfants au nom de la loi sur le travail est un crime, même si cette exploitation a fait l’objet d’un accord entre ceux qui ont oublié Marx et les autres, leurs amis, ceux qui ont adoré et adorent toujours Sayyed Qotb.

Que la modernité dans mon pays n’est pas nécessairement synonyme des notables et des véreux de la politique… que cette modernité est encore moins le lot de certains « déviants » qui font commerce des corps des femmes… qu’elle n’est pas affaire de famille ou d’héritage… que la modernité n’est pas un simple mot, mais une conviction, une conviction qui se décline en actes…

Que l’islam n’est absolument pas un parti, encore moins une Jamaâ, et certainement pas une « interprétation gazière ou pétrolière de la religion »… Qu’el Qaradaoui ou Raïssouni qui ont fait de la religion une...

« Qatarsis » ne sont que des créatures qui spéculent à la bourse des valeurs, appelée un jour ou l’autre, un jour prochain, un jour meilleur, à la faillite !

Chère 2017… Nous n’attendons rien de toi, ni miracles ni cadeaux, et encore moins des surprises. Nous savons que tu nous accompagneras encore, bien malheureusement, dans notre cascade tumultueuse de laideur et de hideur qui nous hante depuis si longtemps. Tu vivras, chère 2017, avec les adorateurs des guerres et du sang, avec les tueurs, les égorgeurs, les kamikazes et autres fous du genre. Et c’est pour cela que nous n’attendons nullement de toi que tu apportes cette révolution de la paix que nous attendons pourtant.

Nous savons déjà que tu cohabiteras, en cette ère de « trumperie », avec les chantres du populisme, et que tu composeras avec les hérauts du fondamentalisme qui emplissent et assourdissent ciel et terre de leurs hurlements et de leurs glapissements

Et donc, ô  2017, tu ne seras guère l’année de la Raison et de l’Entendement.

Et nous savons également que, malgré tes futures préoccupations qui s’écouleront tout au long de la folie du monde, tu passeras quelque temps avec nous, avec notre éternelle instabilité.

Tu devras bien entamer tes débuts avec nous dans le cadre de notre « blocage », ou plutôt, devrais-je dire, cette indigestion que subissent les Marocains pour avoir à digérer une recette politique périmée, aboutissant à une situation de « constipation » quant à la formation d’un gouvernement, qui aurait un jour, finalement, sa majorité, mais qui n’aura toujours pas de certificat de naissance…

Tu devras bien, chère 2017, coexister avec Benkirane, qui a considéré les inondations comme un don de Dieu, qui tient tout débat sur l’héritage comme une fitna (un désordre), qui dit tout le bien qu’il pense de l’islam, tout en affirmant dans la même phrase qu’il n’est pas la solution, sans que la moindre pudeur ne le freine ou ne le réfrène.

Et puis, n’oublie pas, 2017, cette autre cohabitation avec Chabat, cet homme qui a surpris tout le monde en quittant le gouvernement en 2013 et qui continue de surprendre le même monde en annonçant sa ferme intention d’y rentrer… C’est sans doute pour surprendre les Marocains et leur faire oublier qu’on ne peut être en même temps « Chabat » et « pensée ».

Et, noble 2017, tu trouveras également sur ton chemin Nabil Benabdallah qui mène glorieusement sa troupe de 12 députés, estimant que c’est une masse, et pensant qu’il est aisé d’être simultanément « communiste » et « frérot ».

Et il y a les autres, Lachgar, ou encore el Omary, ou Laenser, ou Mezouar…

Ma chère 2017, tu trouveras les mêmes causes qui ont engendré les mêmes néfastes effets pour les années qui t’ont précédée…

Et c’est pour cela, estimée 2017, que je n’attends pas plus de toi que ce que j’ai attendu, ou reçu, d’avant… Je suis pleinement conscient, que je trouverai en toi les mêmes désillusions qu’auparavant, les mêmes fragments de rêves qui ne meublent même plus notre sommeil, mais…

De grâce, je te prie, ô 2017, d’essayer au moins d’être l’année des possibles, et pense aussi et surtout que nous ne ressemblons ni à Benkirane, ni à el Omary, ni à Chabat, ou Benabdallah, ou Laenser ou Akhannouch… Nous ne voulons même pas ressembler à Nabila Mounib, cette femme populiste qui ne sait rien du… populisme ! Nous ne rêvons que d’une année qui ne soit pas si hideuse.

Nous ne voulons plus ni blocage ni indigestion, de même que nous rejetons cette diarrhée politique que nous connaissons et dont nous souffrons depuis si longtemps.

Nous n’attendons rien d’autre de toi que d’être magnanime, miséricordieuse…

Je t’en supplie, 2017, laisse-moi au moins ce semblant de pureté de l’amour que je veux et que je souhaite vivre… que je puisse aimer le journaliste sans l’obsession d’être un héros, comme font d’autres, tant et tant d’autres… laisse-moi aimer comme on aime, comme il est si beau d’aimer…

Laisse-moi cette page dans « al Ayyam » afin que Noureddine Miftah continue de recevoir tous ces appels téléphoniques furibards et que le même Noureddine Miftah continue d’être compréhensif et souriant…

Laisse-moi ces plumes que j’aime, telles qu’elles sont… Laisse-moi Sanaa Elaji, ou Asmaa Belarbi, ou Aziz Boucetta, et bien d’autres encore… pour que je puisse, peut-être, pouvoir penser, être heureux…

De grâce, 2017, je n’attends rien de toi… sauf peut-être d’être moins cataclysmique… Ne nous en veux pas et ne nous punis pas de ce que font de nous les politiques, les pseudo-intellectuels et les modernistes autoproclamés. Ce serait une double peine que tu nous sanctionnes pour cela, chère 2017…

Ne nous reproche pas les actes abjects des adorateurs du sang… et,…

En conclusion, je te le redis, 2017, ne sois pas pire que tu ne le pourras… et c’est pour cela que je te dis, chère année, bonne et heureuse sois-tu, malgré toi et en dépit de ce qui nous attend…

Al Ayyam (traduction de PanoraPost)

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