Enseignements du scrutin du 7 octobre, par Ahmed Aassid

Enseignements du scrutin du 7 octobre, par Ahmed Aassid

Le scrutin du 7 octobre a apporté nombre d’enseignements qu’il faut examiner avec soin aux fins d’amélioration qualitative de la vie politique nationale et de l’aboutissement de la transition démocratique tant attendue. Quels sont ces enseignements ?

1/ Si le recours aux urnes est un mécanisme incontournable dans tout système démocratique, il resterait cependant une opération formelle en cas d’absence des valeurs et principes démocratiques fondamentaux. Ces derniers doivent en effet encadrer la vie politique et conférer aux confrontations politiques le sérieux et la profondeur requis. A l’inverse, quand ces valeurs et principes viennent à manquer, nous aboutissons aux situations de violences verbales, aux postures dramatiques ou tragicomiques et à la personnalisation des débats, en vue de divertir et de détourner l’attention des électeurs, comme nous avons vu les dirigeants politiques les plus médiatisés le faire lors de cette campagne.

2/ Le plus grand problème que rencontre notre vie politique, à savoir l’abstentionnisme de la plus grande partie des Marocains en âge de voter, n’a pas été résolu dans cette élection. Cette réalité est négative en ce sens qu'une frange limitée de l’électorat place des formations politiques en situation de gouverner, sans que pour autant celles-ci aient assez de force pour mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles.

De plus, l’abstentionnisme a évolué dans le temps. Autrefois, le boycott était la conséquence de l’insignifiance des élections et les abstentionnistes souhaitaient priver le régime et les différents scrutins de toute légitimité. Aujourd’hui, l’apparition, puis l’émergence, et enfin l’accès aux situations les plus élevées du courant islamiste, même avec un électorat limité, inquiètent quant aux acquis encore fragiles et font craindre un retour en arrière (cf les lois adoptées lors de la précédente législature) ; or, comme les électeurs islamistes ne sont pas nettement majoritaires, c’est donc l’abstentionnisme, en plus des faibles capacités de mobilisation des partis politiques, qui leur ont permis d’être aussi efficaces et d’avoir autant d’influence sur la société.

3/ S’il est un point à dégager de cette élection, c’est bien l’absence totale ou presque du principe de reddition des comptes et de sa corrélation avec l’exercice des responsabilités. Et le PJD a réussi à détourner l’attention et à faire oublier son bilan qui n’a pas été suffisamment examiné, décortiqué et critiqué. Cela ne concourt pas à la conscientisation de la classe politique nationale vers une logique démocratique. En effet, n’importe quel parti qui saurait entreprendre des manœuvres de diversion pourra désormais se maintenir au pouvoir malgré des résultats calamiteux, alors même que le principe électoral veut que l’on interroge le parti sortant et que l’on oblige à présenter des comptes et des explications, comme cela a d’ailleurs été fait pour les autres formatons de la majorité.

4/ Les attaques successives menées contre le PJD lui ont permis de prendre la posture et le rôle de la victime, ainsi que nous...

l’avions souvent dit. Cela vaut pour cette caricaturale marche de Casablanca, ou pour l’interdiction de candidatures du PJD, ou encore pour le lancement de campagnes contre cette formation sans s’appuyer sur le bilan du gouvernement, ou aussi pour l’activation des agents et auxiliaires d’autorité au mépris de la neutralité requise de la part de l’administration, ou pour l’annonce d’une bipolarisation artificielle… Tout cela a conduit un parti, le PJD, qui était en situation de pouvoir, à se transformer du jour au lendemain en formation d’opposition, cible de toutes les attaques. Et bien évidemment, il a su en retirer la solidarité et la sympathie des classes modestes de la population qui n’ont pas compris ce que fait ce parti ni les conséquences de sa politique sur elles.

Les partis politiques qui se trouvent au pouvoir et qui vont aux élections doivent être questionnés et soumis à examen par la population et les courants sociaux et politiques, mais non par l’administration et l’autorité.

5/ Le PJD a soudoyé une partie de son électorat à travers ses associations caritatives et ses organes de prédication qui œuvrent tous dans les bidonvilles et les périphéries urbaines pauvres. Cela doit nous faire reconsidérer le principe de la corruption électorale, qui ne concernait et ne concerne toujours que les candidats qui distribuent de l’argent à leurs électeurs. Aujourd’hui, le parti islamiste agit de manière similaire, avec des sommes d’argent bien plus importantes, mais couvertes par le travail caritatif et humanitaire entrepris par des gens qui, la campagne électorale venue, reviennent vers ces populations et leurs demandent leurs suffrages.

6/ L’arrivée de la Fédération de la Gauche démocratique est remarquable à plus d’un titre. La FGD incarne la sincérité du verbe et une réelle intégrité dans l’action, mais elle pèche par son absence de prolongements au sein de la société et ces cadres n’ont pas approché et encadré les populations longtemps avant les élections. De plus, la FGD n’a pas œuvré à se rapprocher de tous ces courants qui, au sein des partis politiques, ont exprimé leur mécontentement ; tous ces gens sont restés à l’écart, et leurs voix se sont dispersées.

Par ailleurs, il est apparu qu’un grand nombre de sympathisants de la FGD et aussi de ceux qui se sont habitués à aller manifester devant le parlement ne disposent même pas d’une carte d’électeur, ce qui absurde. Il faut à l’avenir veiller à sensibiliser les gens et les sympathisants à aller s’inscrire sur les listes électorales, ainsi que le fait très soigneusement le parti islamiste qui confère à cela une importance cruciale.

Enfin, il serait utile que les partis de la FGD affectent leurs locaux à des rencontres, conférences et débats quotidiens, s’ouvrant sur toutes les composantes de la société civile, et veiller à ce que les leaders charismatiques de cette fédération adoptent les méthodes modernes de la communication politique… et peut-être la « troisième voie » deviendra-t-elle possible.

(Traduction de PanoraPost)

Commentaires