Mohammed VI au parlement : « Si l’administration faisait son travail, les gens ne me demanderaient pas d’intervenir » ! (MAJ)

Mohammed VI au parlement : « Si l’administration faisait son travail, les gens ne me demanderaient pas d’intervenir » ! (MAJ)

Un vendredi pas comme les autres… C’est celui de l’ouverture de la session d’automne du parlement, et même cette ouverture n’est pas comme les autres, car il s’agit de la première séance du parlement nouvellement élu, le 7 octobre 2016, voici une semaine, avec le PJD arrivé premier pour la seconde fois consécutive. Le roi Mohammed VI y a prononcé son traditionnel discours, mais il l’a orienté cette fois sur l’administration et sa relation avec les citoyens.

Mais avant d’entrer dans le vif de son sujet, deux petites phrases, au début du discours, reviennent rapidement sur deux grands points débattus après les élections : la bipolarisation et la régularité de l’élection :

1/ Le roi veut faire taire les critiques sur la non-régularité de l’élection de 2016, contestée par plusieurs médias et certains partis : « Nous tenons également à exprimer Notre appréciation de l’engagement et de l’esprit de responsabilité patriotique, dont les pouvoirs publics ont fait preuve à toutes les étapes électorales ». Voilà, c’est dit, rompez le ban, il n’y a plus rien à dire…

2/ Il réaffirme « son attachement au multipartisme ». Une phrase qui résonne comme une réponse aux défenseurs de la bipolarisation politique qui semble, pourtant, s’être installée au Maroc, vu l’écart des nombres de sièges entre les deux premiers partis et les autres…

Et Mohammed VI d’entamer sa critique de l’administration, avant de brosser les solutions qu’il envisage…

C’est donc là la nouvelle feuille de route des députés, sachant que les lois organiques sont passées lors de la législature précédente, et les lois les plus importantes aussi.

Mohammed VI a affirmé que cette législature qui commence, plus importante que la précédente, est celle où il faut régler les problèmes des citoyens : « La première législature s’est achevée après la promulgation de la Constitution de 2011. C’était une législature fondatrice, marquée par l’adoption des lois relatives à la mise en place des institutions. C’est dire que l’étape que nous abordons est autrement plus importante que les précédentes. Elle induit la nécessité de se pencher sérieusement, sur les questions et les préoccupations réelles des citoyens, d’impulser l’action de service public de l’Administration et d’améliorer la qualité de ses prestations ».

Qu’est-ce que l’administration, pour le roi ? Les services centraux, l’administration territoriale, les conseils élus, les services régionaux des départements ministériels, les différents services concernés par l’investissement, ayant vocation à encourager les entreprises, et plus généralement les services appelés à répondre aux besoins simples et de toutes sortes, du citoyen.

Et puis, un avertissement/mise en garde aux nouveaux élus devant lui (parlementaires fraîchement élus et conseillers en place depuis juste un an) : « Il est navrant de constater que certains exploitent le mandat qui leur est délégué par le citoyen, pour gérer les affaires publiques, et en profitent pour régler leurs affaires personnelles ou partisanes, au lieu de servir l’intérêt général, motivés en cela par des calculs électoralistes. Ce faisant, ils feignent d’ignorer que le plus important dans un scrutin, c’est le citoyen lui-même et non le candidat ou le parti, et renient les valeurs de l’action politique noble. S’ils ne veulent pas faire leur travail, et si régler les affaires des citoyens, au niveau local ou régional ou même national, ne les intéresse pas, alors pourquoi se dirigent-ils vers l’action politique ? ».

Pourquoi les gens demandent-ils son intervention au roi pour régler leurs problèmes ? Une phrase rude, où Mohammed VI se met directement en avant : « Beaucoup de choses se disent sur les citoyens allant à la rencontre de leur Roi, sollicitant son assistance...

pour régler de multiples problèmes ou surmonter des difficultés. Si certains ne comprennent pas que des citoyens s’adressent à leur Roi pour régler des problèmes et des questions simples, c’est qu’il y a maldonne quelque part. Je suis évidemment fier de traiter directement avec Mon peuple et de régler ses problèmes simples. Je continuerai à le faire, toujours à leur service. Mais est-ce que les citoyens Me demanderaient d’intervenir si l’Administration faisait son devoir ? Il est certain qu’ils y ont recours précisément parce qu’ils se trouvent face à des portes fermées, ou parce que l’Administration fait preuve de négligence dans les prestations qu’elle leur fournit, ou encore pour se plaindre d’une injustice qu’ils ont subie ».

Si tout allait bien, on irait à l’administration, et on ne s’adresserait pas au roi pour régler ce que cette administration est supposée faire !

Quels sont les problèmes, entraves, blocages et dysfonctionnements de l’administration ? Mohammed VI les énumère, en 10 points :

1/ Une « pléthore des effectifs, du manque de compétence et de l’absence du sens des responsabilités chez de nombreux fonctionnaires » ; l’administration, rappelle le roi, ne peut absorber tout le monde…

2/ L’administration constitue un abri pour beaucoup de fonctionnaires, leur garantissant un salaire sans qu’ils ne fassent rien ou presque en échange. Il s’agit là d’une culture ancienne chez les Marocains ;

3/ L’accueil, la communication, et jusqu’au traitement des dossiers et des documents. Et tout cela ressemble assez à un « véritable parcours du combattant » ;

4/ L’administration ne répond pas aux plaintes et interrogations, comme si le citoyen appartenant à la configuration générale de l’administration ;

5/ Le problème de l’expropriation, de l’indemnisation des concernés et de la lenteur apportée à décider et verser cette indemnisation ;

6/ La lenteur et de la complexité des procédures judiciaires et de la non-exécution des jugements, notamment face à l’Administration ;

7/ Défaut de paiement des PME par l’administration ;

8/ L’abus d’autorité et de pouvoir observé au niveau des différentes administrations, ainsi que de la lourdeur des procédures et de la longueur des délais de délivrance de certains documents administratifs.

9/ Les problèmes liés à la méconnaissance et l’ignorance des dispositions du Code de la famille, promulgué voici déjà 12 ans ;

10/ Les obstacles qui entravent l’investissement, nonobstant la création des Centres régionaux et l’utilisation du guichet unique, devenu ainsi contre-productif et créateur d’embuches plus que pourvoyeur de solutions ;

Après la liste des problèmes, viennent la relativisation du descriptif des problèmes et les solutions:

1/ Implication de tous : « Tout le monde, gouvernement et parlement, partis et syndicats, associations et fonctionnaires, doit faire preuve de patriotisme et de responsabilité pour mettre au point des solutions réelles, permettant de rehausser le travail des services administratifs et d’améliorer la qualité des prestations offertes aux citoyens ».

2/ Mutation nécessaire : « Changement dans les comportements et les mentalités et changement aussi des législations » ;

3/ Formation et environnement de travail : « La  formation et la mise à niveau des fonctionnaires, qui forment le maillon essentiel dans la relation du citoyen avec l’Administration. (…) Offrir un environnement de travail convenable et mettre en œuvre les dispositifs d’incitation, de reddition de comptes et de sanction ».

5/ L’administration électronique doit être mise en œuvre pour améliorer les services administratifs, et lutter contre la corruption et le trafic d’influence ;

6/ Renforcement de la déconcentration et mise en œuvre de la régionalisation.

 

Ceux qui attendaient un discours sur la politique politicienne et des messages sur les élections passées seront restés sur leur faim, car Mohammed VI a évité un discours résolument politique lors de cette ouverture de la session d’automne du parlement, sauf les deux mots au début.

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