Abdelilah Benkirane lance sa campagne, mais…

Abdelilah Benkirane lance sa campagne, mais…

C’était dimanche, au complexe Moulay Abdallah de Rabat, devant pas moins de 20.000 personnes, tous des membres et cadres du parti. Le chef du gouvernement a tenu un discours d’environ une heure dans lequel il est revenu sur les 5 dernières années, et s’est projeté vers l’avenir. Mais ce n’était pas, ce n’est plus le Benkirane que nous connaissons…

Les ingrédients d’une campagne électorale triomphante étaient pourtant là : slogans lancés des tribunes, applaudissements, un Benkirane souriant… Mais on sentait la com, et surtout cette volonté de faire le parallèle avec l’étrange marche de Casablanca. Des militants, venus de loin, non payés, non nourris, convaincus de leur présence et de leur parti. Il leur a d’ailleurs clairement posé la question : « Avez-vous été payés pour venir… Quelqu’un a-t-il été contraint de venir ? »… Ce qui est vrai, le PJD est un vrai parti, avec des membres et des sympathisants.

Le chef du parti est revenu sur son bilan de ces 5 dernières années, malgré les décisions douloureuses que le gouvernement a eu à prendre : la Caisse de compensation dégraissée, la réforme des retraites ô combien nécessaire, la réforme du secteur de l’eau et de l’électricité, et « malgré cela, le parti n’a en rien perdu de sa popularité ». Et d’égratigner les médias qui, selon lui, ont déformé le bilan de ce gouvernement.

Le début de son intervention est plutôt poussif, et malgré certaines envolées oratoires qui auraient dû normalement transporter les foules, les applaudissements étaient le fait des « brigades » chargées de chauffer la salle, qui ne chauffait pas. Ainsi donc quand il a décrit l’irrésistible ascension du PJD à travers les élections successives, tant communales que législatives.

Pour Benkirane le vrai et seul capital dont dispose le PJD est « la sincérité » et le « maâqoul » (sérieux), reprenant à son compte le mot d’ordre de la campagne de son grand allié le PPS de Nabil Benabdallah. Et les inévitables piques :

Au RNI : « Que personne ne vienne dire que c’est tel ou tel parti qui a fait telle chose au gouvernement… non, c’est le gouvernement dans son ensemble, sauf que le gouvernement est conduit par un chauffeur… et puis, puisque vous nous avez précédé au gouvernement, pourquoi n’avez-vous pas fait les choses avant ? ».

A al Adl wal Ihsane (adversaire du PJD au sein de la mouvance islamiste et fournisseur des plus gros contingents du 20 février) : « Ce mouvement qui a fait...

peur aux gens, qu’est-il devenu ? Il s’est évaporé, car il a vu que la solution arrêtée par le Maroc en 2011 était la bonne ».

Aux pétroliers, une attaque frontale et très dure : « La réforme de la Caisse de compensation, c’est une forme de lutte contre la corruption car la Caisse payait des factures dont Seul Dieu connaît l’authenticité et la réalité » !!!.

Aux syndicats, et principalement à l’UMT : « Personne ne m’a demandé de réformer les retraites, sauf ma conscience. Les syndicats ont appelé les gens à sortir, mais ils ne les ont pas cru, et ne sont pas sortis, et aujourd’hui, les mêmes syndicats appellent les gens à ne pas voter pour moi. Le premier camouflet ne leur a-t-il donc pas suffi ? Ils auront un autre, et les gens vont voter pour moi, inchallah ! ». Malgré les trémolos et le ton qui monte, maigres applaudissements dans la salle.

A Meriem Bensalah Chaqroun : « Il nous est parvenu certaines rumeurs disant que la présidence des entreprises a demandé à ses membres (CGEM, NDLR), de voter pour un autre parti, mais nous, nous avons une relation directe avec les gens. On (le PAM, NDLR) ne va pas les réunir dans un hôtel, et eux, les entrepreneurs, y vont la peur au ventre ».

Au ministère de l’Intérieur : « Les Marocains du monde disent ‘je suis fier d’être marocain’, ils ne sont pas pollués par les médias nationaux. Et si vous ne me croyez pas, alors ouvrez-leur la possibilité de voter, et vous verrez ! ».

Ilyas el Omari : « On a entendu leur secrétaire général créer un groupe de presse pour 6,5 milliards, puis d’autres chiffres, mais pourquoi aller à l’étranger et faire écrire des papiers en français, en espagnol et anglais ?… ».

Les « serviteurs de l’Etat » : « On ne peut que rendre grâce à Dieu pour nos salaires et nos belles voitures, mais a-t-on besoin d’avoir des lots de terrain ? Le problème dans ce pays est de savoir se contenter de ce qu’on a »…

Mais, signe des temps… sur la tribune, et contrairement aux autres meetings, seul Saâdeddine Elotmani était là. Il est bien entendu n°2 du parti, mais cela est indicateur du fait qu’il est le recours possible à Benkirane en cas de victoire du PJD. Et signe des temps également : alors que le Maroc est en pleine campagne électorale, seuls 40.000 personnes ont vu la vidéo du discours de Benkirane (en 2012 et 2013, ils dépassaient invariablement les 100.000 vues).

Aziz Boucetta

Commentaires