Les politiques ? Des courtiers pour les « petites bonnes », par Hicham Rouzzak

Les politiques ? Des courtiers pour les « petites bonnes », par Hicham Rouzzak

Le rêve du poète est de changer la réalité, en mieux… le professionnel de la politique, lui, doit prendre cette réalité pour ce qu’elle est, et faire avec…. C’est là, le plus simplement du monde, la leçon que nous assène un militant du PPS, par ailleurs ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, répondant au nom d’Abdeslam Seddiki.

Que dit Seddiki, donc : « moi, en ma qualité de militant, je suis pour le travail à 18 ans », … mais, dans la même phrase, il ajoute que « la réalité marocaine et juridique ouvrent l’accès au marché du travail dès l’âge de 15 ans, étant donné qu’en deçà de cet âge, il faut être à l’école… Et donc, contrairement à ce qui se dit et s’écrit, ici et là, nous n’avons aucunement légalisé le travail des mineures ».

Puis il confirme, quand il affirme que « les campagnes que mène mon ministère contre le travail des mineures ne sont destinées qu’aux enfants de moins de 15 ans ».

D’où la question : « Combien y a-t-il de Seddiki dans le cerveau et l’être même de Seddiki ? Et comment tous ces Seddiki réussissent-ils à coexister et à cohabiter ? ». Ainsi, dans cet homme vit le militant qui a fait un rêve, celui de voir tous les gamins de moins de 18 ans sur des bancs d’école, ainsi que l’a dit et redit un Grand comme Aziz Belal. Mais… (Loué soit cet homme à la grande âme de grand homme, parti trop tôt, trop vite).

Donc Seddiki sait que toutes les personnes ayant moins de 18 ans sont encore des enfants… ici, ailleurs, partout, sur la terre entière, c’est la même chose, on est un enfant quand on n’a pas 18 ans. Et quand on est un(e) enfant, on ne joue pas aux jeux des grands ; on est et on reste dans les espaces de jeunesse, physiques et même métaphysiques. Mais,…

Seddiki n’est pas seulement un militant, il est aussi membre du gouvernement de Benkirane et du parti de Nabil Benabdallah… et paix, encore une fois, à l’âme d’Aziz Belal.

Or, puisque Seddiki a aussi ces deux « qualités », il n’est plus tout à fait militant, car il est ministre et le ministre Seddiki n’est pas comme le militant Seddiki… il ne rêve pas de changer la réalité mais, bien au contraire, il s’y accrochera à pleines dents et se comportera avec cette rapacité caractéristique des professionnels de la politique. Et la réalité marocaine que le PPS avait rêvé de transformer en mieux, pour laquelle les grands militants du PPS comme Aziz Belal et ses camarades se sont battus, voilà ce qu’elle dit selon Seddiki : «« la réalité marocaine et juridique ouvre l’accès au marché du travail dès l’âge de 15 ans, étant donné qu’en deçà de cet âge, il faut être à l’école… ».

Qu’il est facile de faire de la politique dans mon pays !... Au lieu de regarder sa réalité et d’en faire un tableau général que tu œuvreras à changer pour le plus beau que tu pourras, il te suffit de faire la même chose, et de décréter que ce tableau, avec toutes les abjections qu’il contient, fait partie de la beauté de ton pays.

Le militant Seddiki et les siens ne pensent pas à changer une réalité odieuse, ni à amender des lois scélérates mais, en revanche, ils ont choisi d’être des professionnels de la politique, résignés devant l’abjection et impuissants face au sordide… Ils diront que telle est la réalité que méritent les Marocains, une réalité où on peut travailler dès l’âge de 15 ans… et puisqu’à cet âge-là, on peut donc être raisonnables et raisonnés, capables d’aller gagner sa pitance, et que Seddiki et ses amis nous disent que les fillettes, elles, ne pourront travailler qu’à partir de 16 ans, il ne nous reste...

donc plus qu’à les applaudir.

Certains politiques dans mon pays se sont trompés de métier et de source de revenu… certains des politiques, les mêmes, sont de simples courtiers, intermédiaires, de personnels de maison, de « petites bonnes ».

Le leader du PPS Nabil Benabdallah n’a pas fait mieux que Seddiki car, lui aussi, il a appris et compris que son être recèle plusieurs Benabdallah et non un seul. Il milite pour 18 ans comme âge minimal de travail, mais pour lui aussi travailler à 16 ans est une chose normale, car ainsi va le monde.

Et pour défendre cette calamité de faire travailler les gosses à 16 ans, voici ce qu’a dit Nabil : «  De 16 à 18 ans, le fille ne peut être employée dans une maison sans l’accord de son papa ». Waaw, le militant Nabil, imbu des problèmes des masses laborieuses, ne sait donc pas que les mineures dans mon pays ne choisissent pas de travailler, car ce sont leurs pères et/ou leurs tuteurs qui les conduisent pour les faire embaucher par un quelconque ménage de la ville. Nabil ignore que le père, dans ces cas-là, ne donne pas son accord pour l’emploi de sa fille car c’est lui-même qui la conduit, la contraint, à vendre son corps comme « petite bonne »…

Et encore une fois, quelle grande perte que celle d’Aziz Belal, cet homme qui avait toujours le sourire aux lèvres et au cœur.

Allant encore plus haut, plus loin et plus fort dans la défense de cette ignominie du travail des fillettes à 16 ans, Nabil affirme qu’il ne s’agit que d’un texte transitoire… qu’il suffira d’attendre 5 ou 10 ans pour voir cet âge de 16 relevé à 18.

Personne pour dire à Nabil Benabdallah que la période de transition d’un crime n’ôte en rien à ce dernier sa nature de crime ?.

La logique servie et défendue aujourd’hui par certains, au nom de la réalité et du besoin des familles de s’adjoindre l’aide de leurs progénitures pour assurer un revenu en fin de mois, est tout simplement une logique criminelle. Les enfants ne sont pas une source de revenu, pas plus qu’ils ne sauraient être un investissement « spermique » consenti par les pères pour pouvoir vivre plus tard.

Les enfants sont des enfants… Ils ne sont que des enfants !

Cette logique abjecte portée par ses défenseurs pour justifier l’injustifiable et expliquer l’inexplicable est une logique similaire à celle des pédophiles et autres déviants. Elle est la même que celle qui consiste à marier des jeunes filles avec le consentement de leurs géniteurs, elle et aussi la même que le mariage d’une gamine de 9 ans au prétexte que cette fillette est « halal », et elle est enfin la même que celle qui permettait le mariage d’une fille avec son violeur.

Alors, que cette loi du travail domestique passe au parlement ou non, cela n’est plus le problème, là n’est pas la catastrophe. La catastrophe est de penser désormais qu’à 15 ans, un enfant n’est plus un enfant, qu’il peut être exposé à toutes sortes de crimes sans être protégé par sa jeunesse, par son enfance.

Nos lois disposent, ainsi que l’a affirmé Seddiki, que les enfants sont ceux qui ont moins de 15 ans et, à 15 ans révolus, ils deviennent subitement des adultes, qui peuvent se marier, qui peuvent travailler, qui peuvent endurer toutes sortes de malheurs physiques et/ou d’agressions sexuelles sans que leur enfance ne puisse plus les en prémunir…

La catastrophe est que la politique dans mon pays a pris la forme d’une photocopie, qui saisit la réalité, puis vous la ressert, blindée par la loi.

Le ministre Seddiki a affirmé que « contrairement à ce qui se dit et s’écrit, ici et là, nous n’avons aucunement légalisé le travail des mineures ». Certes, vous ne légalisez pas, vous ne légalisez rien… vous commettez un crime !

Al Ayyam

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