La révocation de Zaki, ou l’art de masquer les travaux d’une AG…, par Jamal Staïfi

La révocation de Zaki, ou l’art de masquer les travaux d’une AG…, par Jamal Staïfi

A l’heure où tous les yeux étaient braqués sur l’assemblée générale de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), tout le monde a été stupéfait par l’annonce du limogeage du sélectionneur national Baddou Zaki. Plus personne n’a donc suivi ni ne s’est plus intéressé aux débats de l’AG, chacun essayant de s’assurer de l’info concernant Zaki. Qui s’est confirmée…

En même temps que s’est confirmé aussi  le fait que cette décision avait été prise au lendemain du match contre la Guinée Equatoriale, et que le président de la FRMF Fawzi Lekjaâ avait réglé tous les détails avec le Français Hervé Renard pour succéder à Zaki, n’attendant plus que le moment opportun pour l’annoncer, en l’occurrence la tenue de l’AG.

Mais réfléchissons un peu à ce timing pour porter à la connaissance du public que le sélectionneur était révoqué… La nouvelle est tombée pendant les travaux de l’AG et ce sont les responsables de la FRMF qui l’ont fait circuler. L’objectif est alors on ne peut plus clair : détourner l’attention de la gestion de la Fédération et de son rapport financier, avec des dépenses de 850 millions de DH. Le but recherché de la manœuvre était donc d’orienter les décisions sur le pourquoi de cette révocation et les raisons du choix d’Hervé Renard au lieu d’un autre… occultant les questions sur la gestion du foot national.

Il faut reconnaître que cette façon de faire est d’une certaine manière rusée, voire même sournoise, car il n’est pas normal qu’une telle AG en soit réduite à un non-événement et il est encore moins normal que les dirigeants de la FRMF aient prémédité tout cela, transformant les participants à la conférence en « marionnettes », voire en comparses » d’une comédie jouée à l’avance. Et il est définitivement anormal que les gens présents dans la salle aient tous applaudi comme un seul homme le président, et aient tous congratulé, d’une seule voix, le même président… sans que personne d’entre eux n’ait émis de remarques sur l’AG ou, au moins, sur le fait qu’ils n’aient reçu copies des rapports moral et financier qu’à l’ouverture de l’AG.

Avec de tels courtisans bruyants,  il est à craindre que notre football fasse du surplace.

Il y aurait pourtant eu beaucoup de choses à dire sur cette AG, mais la Fédération a voulu que le limogeage de Zaki soit l’information phare.

Il est on ne peut plus évident que la FRMF avait pris la décision de renvoyer son sélectionneur aussitôt après le match retour des éliminatoires du Mondial 2018 qui avait opposé le Maroc à la Guinée Equatoriale… à telle enseigne que le président de la commission des équipes nationales Noureddine Bouchehati avait rédigé un rapport qualifié de « noir » sur cette rencontre, sur les relations de Zaki avec les joueurs et avec ses assistants et essentiellement Mustapha Hajji, concluant sur l’impérieuse nécessité d’un changement à la tête de la sélection.

Et cela ne s’est pas arrêté là car la Fédération a demandé également des rapports aux adjoints de Zaki, aux membres de son staff technique et aussi au directeur technique Nacer Larguet qui a écrit pis que pendre sur le sélectionneur, sur sa manière d’appréhender le...

match puis de l’aborder… Larguet avait écrit cela comme s’il avait été le plus fervent défenseur de l’arrivée d’Hervé Renard sur nos terres, surtout qu’il sont tous deux Français.

Le fait pour Lekjaâ de demander un rapport de Larguet sur Zaki était une claire indication sur les jours désormais comptés du sélectionneur à son poste, sachant que c’était à la même période que le patron de la Fédé avait noué des contacts avec Renard, qui s’était mis à suivre et observer soigneusement l’évolution des joueurs marocains, les locaux ou ceux qui jouent dans les championnats européens.

Et pour corser le tout, la Fédé s’est mise à évoquer les relations tumultueuses entre Baddou Zaki et ses jeunes footballeurs.

Il était donc devenu évident que la Fédération amassait et entassait les arguments pour avoir la tête de Zaki et puis, dans un second temps, pour contracter avec un technicien étranger, et surtout français, en la personne de Renard, qui avait la préférence du président et du directeur technique.

Mais là, il faut s’arrêter quelques instants et se poser la question de savoir pourquoi la Fédération décide de se séparer de son sélectionneur alors que l’équipe nationale est à quelques semaines de deux matchs cruciaux, contre le Cap-Vert, pour les qualifications de la CAN 2017… N’eût-il pas mieux valu laisser le même Zaki, surtout que l’on sait qu’il était sur la bonne voie pour satisfaire aux conditions sur lesquelles il s’était engagé au moment de son recrutement ?

Pourquoi tant insister pour mettre en péril l’avenir de la sélection, en procédant à un tel changement à un si mauvais moment ? Pourquoi la Fédération se montre-t-elle si peu patiente avec un technicien marocain et si débonnaire avec les autres, quand ils sont étrangers, et principalement français ? Pourquoi la Fédération fait-elle un lien entre l’échec de Fakhir à la CHAN et la direction de l’équipe nationale A de Zaki ?

Cette décision de révoquer ce dernier revient, donc, à jouer avec le feu et à créer un climat délétère, rééditant ainsi les mêmes erreurs de l’ancien président que fut Ali Fassi Fihri. Que les dirigeants discutent avec les joueurs de leur entraîneur, qu’ils leur posent des questions sur celui-ci, qu’ils s’inquiètent de leurs dissensions, tout cela montre qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du football national…

Et si la FRMF n’avait pas confiance en Zaki, pourquoi l’avoir choisi ?... L’expérience passée avec les entraîneurs de la sélection nationale nous apprend que l’entraîneur étranger, quand il arrive à un moment inadéquat, échoue dans la mission qui lui est confiée, et la même expérience nous montre qu’un entraîneur étranger qui vient au milieu d’une controverse sur sa personne ne peut récolter qu’échec sur échec, même si la Fédé voit en lui un sauveur, car elle l’expose à une terrible et terrifiante pression populaire.

Que l’on se rappelle des cas de Henri Michel, de Roger Lemerre, d’Eric Gerets et d’autres encore…

Ce qui s’est donc passé est indigne et absurde, encore plus que ce qu’on a connu, malgré toutes les justifications qu’apportera la Fédération, et c’est pour cela qu’il ne nous reste plus qu’à prier le Très-Haut de recevoir en Sa Sainte Miséricorde les restes de notre football et de notre sélection…

Al Massae

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