Deux ministres se préparent à poursuivre un quotidien en justice

Deux ministres se préparent à poursuivre un quotidien en justice

Les deux ministres sont Mohamed Boussaïd et Aziz Akhannouch, respectivement chargés des finances et de l’agriculture. Le quotidien est Akhbar Alyoum et son directeur Taoufiq Bouachrine, et le motif serait l’attaque du premier contre les seconds dans l’affaire de l’article 30 du PLF. L’action en justice n’est pas encore engagée car pour cela, les deux ministres doivent avoir l’autorisation du chef du gouvernement, et c’est là que les choses se compliquent…

En effet, la règle veut désormais qu’avant d’aller en justice contre un organe de presse, un ministre doit obtenir l’aval de son chef ; or, dans cette affaire de l’article 30, Taoufiq Bouachrine semblait avoir pris « la défense » d’un chef du gouvernement passablement malmené par les événements et paraissant avoir un peu perdu pied.

Medias24 avait été le premier média à révéler que l’ordonnateur du fameux Fonds de développement rural et ses 50 milliards de DH allait devenir le ministre de l’Agriculture à la place de son chef du gouvernement, comme c’était le cas avant. Et ledit chef du gouvernement n’avait pas réagi, ni les deux ministres. Ces derniers n’ont en revanche pas apprécié le « doublon » d’Akhbar Alyoum (éditorial plus article en couverture) du 22 octobre, les accusant d’avoir fait « une entourloupe » au chef du gouvernement, qui n’en sort pas forcément grandi…

Aujourd’hui, les deux ministres doivent avoir l’aval de Benkirane pour aller en justice… s’il leur accorde, cela signifiera qu’il leur donne raison et que, en creux, il désavoue Bouachrine, dont il a pourtant réagi à l’article en créant un échange verbal tendu avec Akhannouch en conseil de gouvernement. Mais le journaliste appellera à la barre tous les ministres ayant assisté à ce conseil, et même Benkirane… Cela créera aussi une crise politique car une telle action en justice conduira les députés PJD à demander, exiger et obtenir que...

le chef du gouvernement redevienne l’ordonnateur, ce qui serait un désaveu pou Akhannouch… d’où crise politique, sachant qu’on ne voit pas comment les deux ministres prouveront la diffamation sur des faits avérés.

Si, en revanche, Benkirane interdit ou dissuade les deux ministres d’ester contre Akhbar Alyoum, cela voudra dire en quelque sorte que soit il craint que cette affaire ne soit étalée dans la presse, soit que le média en question avait en quelque sorte raison.

Les deux ministres ont agi avec précipitation car dans de pareilles affaires, et surtout quand les choses ne sont pas très éclaires, on se contente d’envoyer un droit de réponse sans prendre le risque d’aller en justice, puis on attend que les choses se tassent. Car il y a le risque de grand étalage, et le risque est encore plus grand lorsqu’on a en face un journaliste qui défend sa crédibilité et qui est prêt à aller très loin pour ce faire, ou au moins pour en donner l’impression.

Dans les deux cas, les deux ministres n’ont pas été très bien inspirés d’attaquer, ou de vouloir attaquer, Taoufiq Bouachrine en justice car les choses vont aller encore plus loin et échapper à leur contrôle. Quant au journaliste, de plus en plus qualifié de « proche », voire « très proche » de Benkirane, il semble avoir « protégé » le chef du gouvernement plus que nécessaire, car il l’aura plongé dans le début de ce qui pourrait être une crise politique ou politico-judiciaire d’envergure.

Quand le pouvoir exécutif s’entrechoque avec le pouvoir médiatique, cela fait du bruit ; quand, en plus, le pouvoir judiciaire s’implique, cela fait de grands éclats… voire éclaboussures. On dit souvent que quand la politique entre dans un prétoire, la justice en sort ; mais si elle reste et juge, alors c’est le pouvoir politique qui en sort affaibli.

AAB

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