Ahmed Mansour, ce lanceur de pierre qui habite une maison de verre, par Sanaa Elaji

Ahmed Mansour, ce lanceur de pierre qui habite une maison de verre, par Sanaa Elaji

L’affaire d’Ahmed Mansour, ce journaliste égyptien d’al Jazeera, et de son mariage orfi, religieux, avec une militante du PJD, Karima Fritès, aurait pu se limiter à son cadre naturel, personnel et intime, qui ne concerne que ces deux personnes… mais les évolutions ultérieures de cette affaire appellent un certain nombre de remarques de notre part, sept pour être précis.

1/ Cela aurait donc pu ne concerner que les deux intéressés, sans que quiconque n’ait le droit de commenter. Or les choses en sont allées autrement puisqu’il s’agit d’individus qui se sont autoproclamés hérauts de la religion et de la morale, et héros du licite et de l’illicite, s’arrogeant le droit d’édicter ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Mais il semblerait, à l’aune de cette affaire, que ces attitudes moralistes ne se réduisent finalement qu’à la consommation publique et médiatique, sans que ces « valeurs » ne puissent s’appliquer à ceux qui les clament et les proclament. N’est-il donc pas essentiel, fondamental, tant sur le plan religieux que moral, de mettre en conformité nos actes avec nos propos ? A moins que le plus important ne soit au final que l’image que nous reflétons de nous dans le regard des autres…

2/ Admirons, et méditons, comment certains islamistes et « chantres de l’islamisme » à travers le vaste  monde manipulent la religion selon leur bon vouloir… Un mariage de confort, ou mariage orfi, ou toute autre forme de mariage de fantaisie, pour convaincre les autres et se convaincre eux-mêmes que leurs activités sexuelles sont conformes avec les préceptes religieux… alors que, dans un Etat où la citoyenneté a un sens, il n’existe qu’un seul type de mariage, celui qui est contracté selon la loi. En dehors de cela, il n’y a dans le meilleur des cas qu’une union libre, une relation sexuelle librement et mutuellement  consentie, ce qui relèverait au demeurant d’une liberté individuelle qui ne concerne que les  intéressés. Et dans le pire des cas, on pourrait aussi considérer cela comme un acte de prostitution délicatement dissimulée sous les oripeaux de la religion afin qu’elle devienne licite.

Autrement dit, le mariage religieux, orfi, n’est qu’une ruse pour contourner la religion, voire même l’institution du mariage elle-même, tant sont manipulés les éléments qui forment une noce véritable, à savoir l’engagement humain, relationnel et légal. Le mariage de confort ou de plaisir est de la prostitution masquée car le mariage, le vrai, comporte des conditions et des contraintes qui vont au-delà de ce type d’artifices puérils.

3/ La déclaration exprimée par le très respectable journaliste, et que chacun sait désormais,  est une véritable insulte faite à tous les Marocains, pris collectivement ou à titre individuel, professionnels de l’information ou non. « Le journalisme jaune représenté par des gens grossiers, des maquereaux, des rebus de la pire espèce parmi les politiques et les gens des médias, ceux qui vivent dans les marécages nauséabonds et qui se nourrissent des interdits et autres affaires privées des gens, et qui rejoignent dans ces pratiques abjectes leurs semblables en Egypte, pour avoir raison de moi »… Ces propos n’indiquent que le niveau affligeant de  leur auteur. A supposer que ce respectable journaliste ait considéré comme...

une offense ce qui a été rapporté sur lui – sachant que c’est l’acte en lui-même qui est répréhensible et non l’information qui s’y rapporte –, n’existe-t-il pas des lois auxquelles on peut avoir recours, au lieu de verser dans ces insultes et cette réaction de bas niveau pour exprimer son point de vue ? Mais cela implique que M. Mansour croit en le droit et ait confiance dans les institutions…

Plus grave que les insultes de Mansour, le fait que le PJD les reproduise sur son site, avant qu’il ne se rétracte précipitamment et les retire. Comment donc un parti politique marocain peut-il accepter que ce torrent d’injures puisse être déversé sur des Marocains, et comment peut-il accepter de s’en faire le relais sur son site officiel, pour la simple et bonne raison que Mansour a dit de belles choses sur son compte ? Le PJD ignore-t-il donc que relayer un propos signifie que l’on y adhère ? Comment et pourquoi un parti comme le PJD peut-il entériner les mots d’un journaliste, quel que soit la convergence idéologique qui les lie, sur le compte des Marocains, qu’il a traités de « gens réputés pour leur corruption et leur perversité d’une part et, d’autre part, les partisans du PJD qu’il a qualifiés de personnes honnêtes et intègres, des personnes qui dénoncent la corruption et les corrupteurs » ? Ainsi, doit-on comprendre que les Marocains qui ne sont pas des amis du PJD sont nécessairement des « gens corrompus et pervers »… Qu’un individu, agent de services de renseignements agissant sous couvert de journalisme (comme l’indique sa dernière interview avec un prisonnier de guerre syrien entre les mains du Front An-Nosra, un entretien qui a pris les allures d’un crime en termes de respect des droits humains, doublé d'une faute professionnelle grave) nous insulte, nous pouvons y répondre, mais que cela soit repris par un parti qui dirige le gouvernement représente un bien plus grand mépris des Marocains que l’attaque de Mansour.

4/ Le silence de Mustapha el Khalfi est incompréhensible. Comment donc M. le ministre de la Communication peut-il estimer qu’un film sur la prostitution puisse porter atteinte à l’image du Maroc, sans que par ailleurs il ne sente offensé par les mots d’Ahmed Mansour sur le Maroc, les Marocains, la femme marocaine et la presse marocaine ? Où est donc sa célérité et sa promptitude à réagir par communiqués ou sur les réseaux sociaux pour exprimer ce qu’il considère offensant pour les Marocains ?

5/ Mahmoud Fritès, le désormais parent d’Ahmed Mansour, est connu pour asséner des leçons aux Marocains sur tout un ensemble de choses, sur les valeurs, sur la morale, sur la création artistique, le cinéma, l’islam… mais aujourd’hui, j’ai bien envie de lui demander s’il n’a pas honte de lui-même…

6/ Je tiens à saluer ici le RNI qui a été le seul parti marocain à exprimer explicitement une position  claire suite aux insultes de bas niveau et aux injures de caniveau proférées par le journaliste d’al Jazeera.

7/ Enfin, une dernière remarque pour M. Mansour… Je voudrais vous rappeler cet adage égyptien : « Il ne faut jamais lancer de pierre quand on habite une maison de verre ».

Al Ahdath al Maghribiya

Commentaires