Propos publics et responsabilité, par Fatiha Daoudi

Propos publics et responsabilité, par Fatiha Daoudi

J’avoue avoir frôlé l’apoplexie, une apoplexie de juriste, lorsque j’ai entendu le Ministre de la justice déclarer publiquement (1), en réponse à ceux qui demandaient la dépénalisation des rapports sexuels hors mariage entre adultes consentants, que ce genre de relations n’était pas sanctionné du moment que leur consommation se faisait dans l’intimité.

Il a conclu son propos en disant que celui qui se cache est, à son tour, dissimulé et protégé par Dieu : « man tassatar, sataraholah. »

Je ne sais pas si ce Ministre est conscient que ses déclarations publiques sont celles d’un Haut commis de l’Etat, en charge de la refonte du code pénal dont le projet, s’il est adopté pendant son mandat, sera paraphé par lui et  applicable à tous les marocains.

Pis, si on abondait dans sa logique, toutes les sortes d’infractions seraient permises si elles étaient commises en cachette. On peut voler dans l’intimité, violer du moment que la société n’en a pas connaissance.

Il doit pourtant savoir, puisqu’il est lui-même juriste, qu’un code pénal a pour source le droit positif et non un référentiel religieux.

En abordant publiquement le projet du code pénal, il parle d’un projet de loi fait par les hommes pour les hommes et dont le contrevenant doit rendre...

compte à la société et non à son créateur.

Dans toute société, le code pénal est un outil organisationnel majeur par lequel les libertés de l’individu et leurs dépassements sont fixées. Il doit par conséquent refléter l’évolution sociétale.

Un dépassement ne peut être excusé parce qu’il est fait dans l’intimité. Un délit reste un délit, même commis dans cette condition.

Ainsi, la solution adéquate est la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes consentants et donc l’abrogation de l’article 490 de l’actuel code pénal et non pas l’appel à la sauvegarde des apparences  et à l’hypocrisie sociale!

Il n’est pas permis à un Ministre de la justice, au 21ème siècle, de mêler le droit positif à un référentiel religieux. Ce genre d’amalgame est censé être évité par un étudiant en droit dès la fin de sa première année!

Mais au fait, se rend-il compte que le Maroc, comme les autres pays de la planète, vit en plein 21ème siècle, siècle de la transparence s’il en est ? Transparence qui veut dire simultanément la responsabilité et le contraire de la dissimulation.

Les déclarations publiques d’un Ministre de la justice ne peuvent pas être faites à la légère, parce qu’elles engagent un pays et sa population.  Son côté partisan ne doit en aucune façon prendre le dessus sur sa responsabilité nationale !

---------------------

(1) http://www.hespress.com/videos/269720.html

 

Commentaires