Procès des deux jeunes filles d’Agadir, les juges mettent l'affaire en délibéré

Procès des deux jeunes filles d’Agadir, les juges mettent l'affaire en délibéré

Le procès s’est ouvert aujourd’hui… Les « accusées » ? Deux jeunes filles poursuivies pour « outrage public à la pudeur » en raison des tenues jugées  indécentes, portées au souk d’Inezgane,  ce 14 juin… Plusieurs centaines d’avocats se sont constitués pour leur défense, directement ou par procuration de leurs collègues. L’affaire des deux jeunes personnes est devenue nationale, puis internationale, avec la présence de journalistes étrangers dans la salle d’audience. Après les plaidoiries enflammées et le réquisitoire , fort mesuré, la cour a mis l'affaire en délibéré et rendra son jugement lundi 13 juillet prochain.

L'audience du lundi 6 juillet

Elles sont soutenues par Bayt al-Hikma dont le président Fettah Bennani était à Agadir depuis samedi à Agadir, en compagnie de son épouse, Khadija Rouissi, députée et surtout figure emblématique de la cause des femmes. Une manifestation a lieu à l’extérieur du tribunal d’Agadir ce lundi 6 juillet, avec des banderoles où des commerçants d’Inezgane récusent toute relation avec le cas porté devant les juges.

Les avocats ont plaidé, successivement, récusant le PV établi par la police (voir infra), l’estimant illégal et ne respectant pas les procédures en vigueur. Ils réclament le non-lieu dans le fonds ou, à défaut, pour vice(s) de forme . Puis le procureur a pris la parole, dans un réquisitoire plutôt favorable aux deux jeunes filles. Il a bien évidemment contesté les prises de position rugueuses des médias qui, dans leur écrasante majorité, ont pris fait et cause pour les deux « accusées ». Mais, selon Me Hussein Erraji qui répondait aux questions de PanoraPost, il a dit que « nous aussi nous avons des filles et nous ne voudrions pas qu’elles soient exposées à des choses graves comme les deux jeunes filles », et non les « accusées ».

Puis il a demandé l’application de la loi, mais pas de l’article 483, ce qui signifie, selon Me Erraji toujours, que le parquet n’a pas d’avis sur la question et qu’il ne serait pas contre un acquittement. Concernant le PV de police, le procureur a également expliqué avoir eu les informations au téléphone par la police qui lui a laissé entendre que les filles avaient commis quelque chose de grave, mais que malgré cela, il les avait laissées en liberté. La police est quelque part responsable d’avoir grossi le trait.

Maintenant, la question qui se pose est de savoir si la cour, qui s’est retirée pour délibération, rendra son verdict aujourd’hui ou plus tard. Et si jugement il y a, s’il sera en forme d’acquittement pur et simple des charges retenues contre les deux jeunes femmes ou si, à l’inverse,...

les poursuites seraient abandonnées pour vice de forme, ce qui impliquerait qu’elles pourraient être coupables…

Témoignage antérieur des deux jeunes filles, accablant pour les commerçants du souk et pour la police

Lors d’un long entretien avec Radio Plus, les deux femmes ont apporté leur témoignage, édifiant, voire inquiétant… Elles ont raconté comment, une fois arrivées au souk d’Inezgane en compagnie de leur tante et de sa fille de 20 ans, elles avaient été abordées par un individu qui les suivait en leur demandant leur numéro de téléphone. Suite à leur refus, éconduit, l’homme s’est mis à les insulter puis, une fois dans une boutique de produits cosmétiques, elles ont été surprises de voir un très gros attroupement devant l’échoppe, demandant à ce qu’elles sortent.

Face à leur refus, les manifestants se sont mis à jeter des cailloux sur la devanture, brisant la vitre et saccageant les produits. La police est arrivée 45 minutes après avoir été appelée par le commerçant qui les abritait. L’officier, un peu rugueux selon l’une des filles, leur a mis en main un marché : soit elles portaient des jellabas, procurées par un vendeur du souk, soit il repartait, les laissant là. Elles ont obtempéré, terrifiées, et elles sont sorties, sous les invectives des commerçants et des badauds.

Une fois arrivées au commissariat, l’officier leur a demandé d’apposer leurs empreintes sur le PV qu’elles n’ont pas eu l’autorisation de lire, qui était un « copier-coller » des deux témoignages. Les empreintes sont requises quand les concerné(e)s sont analphabètes, ce qui n’est pas le cas des deux filles. Puis elles ont été placées en garde à vue durant 24 heures. Durant cette période, elles affirment avoir été réveillées à plusieurs reprises par des policiers qui leur ont demandé de se mettre debout, de se retourner, de marcher, le tout ponctué parfois d’insultes d’agents en uniforme.

Une fois arrivé au commissariat, un officier a réprimandé ses hommes pour avoir gardé les filles et pour ne pas les avoir libérées. C’est grâce à lui qu’elles sont sorties, mais après que l’agent qui a établi le PV eût contacté le procureur.

Quand elles ont rencontré leur avocat, Me Sbaï, il s’est avéré que dans le PV, on leur avait fait dire des choses qu’elles n’avaient pas déclaré comme le fait qu’elles portaient des jupes laissant paraître un peu de leur poitrine, et leurs cuisses, et qu’elles avaient fait cela pour attirer sur elles les regards des hommes.

Me Sbaï a vu dans cette procédure toute une série d’irrégularités de forme qui devraient lui permettre d’annuler toute la procédure.

AAB

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